Le mythe de la compétition (et pourquoi il faut s’en débarrasser)

Je me suis présenté dernièrement à un événement social avec deux de mes amoureuses. Si ce type de sortie n’est pas exceptionnel en soi (du moins de mon point de vue), il est peu habituel on en convient pour les autres participants de rencontrer un trio ou toute autre configuration multiple lors de leurs sorties.

Une des questions qui est revenue à cette occasion est celle de l’importance, ou de la hiérarchie, entre les partenaires, et de la compétition entre elles pour garder/maintenir ce niveau d’importance. En fait, il était implicitement pris pour acquis qu’une telle compétition devait exister entre mes amoureuses. Je vais donc commencer par énoncer ce qui m’appert comme une vérité fondamentale et cruciale à la santé et au bien-être de tout polycule, voire de toute relation amoureuse (ou relation tout court, en fait):

La compétition n’a pas sa place dans un polycule sain!

Croire autrement ne peut que mettre en place une dynamique malsaine. J’adopterai une posture plus près de l’anarchie relationnelle pour mes commentaires, mais ça se transpose bien aux autres types de relation.

À la base, tel que discuté à mainte reprise dans les billets, la force, la qualité et les caractéristiques d’une relation doivent être propres aux personnes qui partagent la relation. S’il s’agit d’un couple (ou d’une relation à deux), alors la relation dépend de ces deux personnes. S’il s’agit d’un trio, elle dépend de l’interaction entre ces trois personnes, et ainsi de suite.

Les personnes dans un polycule sont souvent des métamours réunis par une personne pivot. Elles peuvent aussi tisser des liens entre elle, mais pour l’exercice ici j’assumerai que ce n’est pas nécessairement le cas. Dans ces circonstances, la notion de compétition perd un peu de son sens. Être en compétition avec un-e autre implique nécessairement de l’inclure dans vos liens, dans votre relation et par conséquent, la faire dérailler de son sens premier, soit le lien entre vous et l’autre.

À noter donc que vous ne devriez pas vous sentir en compétition avec vos métamours, mais que du même souffle, il est terriblement malsain pour un pivot de mettre ses partenaires en compétition pour son attention. Si c’est le cas, une solide discussion s’impose au minimum afin de comprendre pourquoi les partenaires ressentent cette impression, et dans la mesure où votre partenaire adopte réellement cette stratégie avec son polycule, je ne peux que recommander de mettre fin dans les plus brefs délais à la relation.

Mais comment éviter cette compétition? On se fait concurrence lorsque l’on se trouve dans une situation où les ressources sont rares. Dans une relation monogame typique, vous n’avec qu’un-e partenaire alors on peut comprendre cette inquiétude face à sa disponibilité. Dans le polyamour par contre vous pouvez avoir autant de partenaires que vous êtes éthiquement en mesure de gérer. Aucune compétition nécessaire dans ces circonstances, au contraire, la coopération permet souvent de maximiser le bonheur de toutes les parties!

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Anxiété de performance

« Parfois, j’ai peur que tu me compares aux autres. »

C’est une phrase à laquelle j’imagine plusieurs polyamoureux/ses ont eu à faire face. Les racines de cette peur et de cette inquiétude sont profondes, mais se résument à deux préoccupations primaires. Pour répondre à la question, et pour calmer l’inquiétude, il est important de répondre aux deux.

A) Le mythe du « super-conjoint » ou de la « super-conjointe »

Ce mythe est bien ancré dans la tête des gens dès leur plus jeune âge. Votre conjoint doit vous compléter parfaitement. Il doit être à la fois votre meilleur ami, un amant hors-pair, votre amoureux. Votre conjointe doit être la meilleure mère pour vos enfants, une bombe sexuelle, votre confidente et votre soutien en toutes occasions. Bref, vous devez être tout pour elle ou pour lui. Allez faire un bref survol des fiches sur quelques sites de rencontre et vous attesterez au retour de la prépondérance de cette mentalité.

C’est bien entendu farfelu. Derrière ce concept social, il y a un mécanisme insidieux, celui de la mise en évaluation constante de l’autre. Je te choisis parce que tu es une meilleure personne. Voire LA meilleure personne (sinon, le risque qu’une personne encore meilleure arrive trouble la quiétude de la relation. Et d’ailleurs, prolongeons cette parenthèse en avançant qu’une grosse partie du deuil des séparations est causée par cette idée, que l’autre nous laisse pour quelqu’un de meilleur, ce qui diminue notre valeur et ajoute à notre douleur.  Mais ça, ce sera un autre billet). Autrement dit, l’amour est une compétition et votre partenaire l’a emporté.

Ça, c’est dans le meilleur des mondes. Car dans le pire, la femme aura été conditionnée dès son plus jeune âge à penser qu’elle devra être tout pour son mari, faire tout pour le satisfaire, au risque de le perdre, ce qui serait non seulement de sa faute, mais un témoignage de l’échec de sa féminité.

Dans un contexte polyamoureux, ça ne fait carrément aucun sens. L’autre est apprécié(e), aimé(e) non pas en raison de son rang (le meilleur) mais en raison de l’ensemble de ses caractéristiques intrinsèques. De son unicité, justement, qui nous invite à vouloir le découvrir, à partager avec elle plusieurs moments de sa vie, etc. Chaque personne a son propre éventail de qualités qui pourront ou non nous plaire, et que nous voudrons explorer sans nécessairement le faire dans l’exclusivité. L’amour n’est plus une compétition. Il est partage, découverte, liberté.

B) La sexualité comme un sport de haute performance

La phrase d’ouverture peut se prononcer dans différents contextes, mais je l’ai le plus souvent entendu en relation avec ma vie sexuelle. C’est l’autre préoccupation exprimée par cette inquiétude. Le fait que la sexualité soit devenue ou soit vue comme une activité de haute performance. Acrobaties, performances physiques parfois physiologiquement insoutenables et au final peu compatibles avec le plaisir, oubli de soi pour se centrer uniquement sur la performance du partenaire (souvent masculin) sont des aberrations véhiculées par la pornographie mais aussi par la psycho-pop ambiante (« 10 trucs infaillibles pour satisfaire votre partenaire entre les couvertes! »).

Et si on prenait un pas de recul?

La sexualité, comme tous les types d’interactions humaines, existe simultanément dans plusieurs domaines. Oui, la sexualité comme lieu de performance existe, et elle peut être d’ailleurs très satisfaisante. Mais la sexualité`est aussi un lieu de discours, un lieu de partage, un lieu d’intimité, un lieu de confiance, de vulnérabilité, la liste pourrait s’allonger à l’infini.

Deux amants qui se connaissent depuis des années peuvent se voir régulièrement, et réserver l’acte sexuel à de plus rares occasions. Le geste devient ici l’occasion de réactualiser une intimité, une intensité d’émotion peut-être, et peut s’exprimer dans la plus grande simplicité tout en étant porteur d’une charge affective immense.

Autrement dit, la sexualité n’est pas non plus une compétition où les amants et amantes doivent se démarquer, se battre les uns contre les autres pour marquer le plus de points possibles.

La sexualité, au contraire, est une sphère de partage également, les éléments qui y sont inclus étant propres et spécifiques à chaque relation et, de fait, incomparables les uns avec les autres.

Je ne vous compare pas les unes avec les autres. Je ne cherche pas à vous mesurer dans la sexualité. Je cherche à mieux vous connaître. Je cherche à mieux communiquer. Je cherche à partager. Je cherche à aimer. De la façon qui nous rejoint le mieux, à cet instant précis. Peu importe qu’à cet instant précis vous soyez une, deux ou plusieurs dans ma vie ou dans mon lit.

 

 

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