Le paradoxe du deuil

Votre relation parfaite se terminera un jour.

Sans blague ni mauvaise intention, toute relation est appelée à se terminer. Même si vous vivez l’idéal du couple-exclusif-qui-s’aime-pour-le-restant-de-ses-jours, ultimement, ces jours arriveront à leur fin. L’un de vous mourra (plus rarement, les deux en même temps).

Sans verser dans de si dramatiques scénarios, il faut néanmoins envisager qu’une relation romantique puisse se terminer. Pourtant, socialement, c’est un passage qu’on fait tout pour occulter, oublier, voire dramatiser. La rupture est vue comme un échec. Un drame. Une réelle mort. Et au contraire, l’amour idéalisé est présenté comme plus fort que la mort (ce qui vous donne des scènes larmoyantes de film avec des fantômes qui font de la poterie, ou encore des vampires étincelants. Mais bon, ça c’est un autre sujet). C’est plutôt absurde, même franchement malsain, que de représenter l’amour « vrai » comme un pouvoir paranormal au lieu du simple état naturel dans lequel nous pouvons vivre, exister et être heureux.

Mais revenons plutôt aux relations. Dans un contexte ou une institution, le couple monogame exclusif hétéronormatif (maintenant élargi au couple monogame exclusif, peu  importe l’orientation) jouit d’un privilège envahissant, tout ce qui vous fait sortir d’un couple est mal vu. Et c’est un peu normal, parce que la fin d’une relation vous prive également de tous les privilèges (notamment l’acceptation sociale) liés au statut d’être en couple. La fin d’une relation devient donc une menace bien réelle, au-delà du simple domaine affectif, au statut social, économique, politique, etc. Est-ce si surprenant qu’on dramatise la rupture à ce point?

Et si on prenait une approche un peu plus raisonnée?

Et si les relations ne se terminaient pas, mais qu’elles se transformaient? Après tout, les gens changent constamment. La vie nous fait évoluer, grandir, souffrir parfois et tout cela a un impact sur notre personnalité, nos désirs, nos besoins, nos ambitions, nos idéaux. Deux ou plusieurs partenaires peuvent réagir différemment à ces événements. Dans la mesure où une relation est aussi le reflet de la personnalité des gens impliqués dans cette relation, il est donc inévitable qu’elle se transforme au fil du temps.

Parfois, il faut le reconnaître, cette transformation entraîne l’abandon d’un lien romantique. Qui peut devenir purement amical. Parfois, c’est l’inverse. On connait tous des amis qui sont devenus amoureux après plusieurs années. Et on connait tous d’anciens amants séparés mais unis par une profonde complicité.

Outre le cas de la mort d’un des partenaires, il faut bien admettre que suite à la fin d’une relation les personnes concernées risquent de se recroiser. La meilleure façon de gérer cette transition est d’accepter dès le départ l’inévitable transformation.

Autrement dit, le deuil d’une relation doit commencer au premier jour de celle-ci. Dès le début, il faut reconnaître le caractère fragile, éphémère et par conséquent profondément précieux du lien qui nous unit à l’autre. Il faut aussi y porter attention de part et d’autre, reconnaître ses fluctuations, ses changements. Accepter qu’il peut, indépendamment de notre volonté, prendre une direction différente au lieu de s’acharner à l’enfermer, l’encadrer dans un moule qui ne lui sied pas.

Le paradoxe du deuil, c’est que lorsque l’on tente de préserver, protéger sa relation au détriment du reste, on risque de l’enchaîner, de la prendre pour acquise, et ultimement de la saboter, de la perdre. Mais qu’en sachant lâcher prise, cette relation peut trouver un sens renouvelé, peut-être pas le sens que le moule sociétal essaie de nous enfoncer dans la gorge, mais un sens beaucoup plus riche et signifiant parce qu’issu des expériences partagées entre les individus concernés.

En acceptant le caractère éphémère de la relation, on accède à un univers d’émerveillement où chaque instant se savoure pleinement.

Arrêtez d’avoir peur de perdre. Acceptez l’inévitable transformation. Et vivez intensément aujourd’hui.

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