Il y a quelques semaines je présentais à Montréal, lors de l’événement Amours 2.0, une conférence sur l’éthique en relation. Je retranscris ici les grandes lignes de cette présentation, qui a fait l’objet d’échanges forts pertinents avec l’assistance (que je remercie au demeurant).
On utilise souvent l’expression « non-monogamie éthique » pour englober la large famille des relations ouvertes, polyamoureuses, anarchistes, etc. L’expression me hérisse, car elle assigne par défaut un caractère éthique aux relations monogames qui, on en conviendra, ne le sont pas toujours. On utilise aussi parfois « non-monogamie consensuelle », ce qui est encore pire. D’une part la monogamie n’est pas nécessairement inhéremment consensuelle, et l’éthique ne se limite pas au seul consentement. Voilà pourquoi je préfère parler d’éthique des relations ou d’éthique relationnelle. Je crois que les constats présentés plus bas s’appliquent à toutes formes de relation, qu’elle implique (ou non) des aspects amicaux, amoureux, sexuels, exclusifs ou non-exclusifs, etc.
Je conçois d’abord l’éthique comme une réflexion, une recherche constante de sens, plutôt qu’un code de comportements à observer. L’éthique est une quête de cohérence qui sous-tend nos valeurs puis les comportements qui en découlent. Ma réflexion puise dans l’anarchismee dans la mesure où elle tient à éviter une situation où une des parties prenantes à une relation puisse exercer un pouvoir sur les autres sans que celles-ci n’aient leur mot à dire. Afin d’éviter l’émergence de relations de pouvoir indésirées, je fais quatre propositions qui, comme les lois de la robotiques, ne s’appliquent que dans la mesure ou les propositions précédentes sont respectées.
Voici donc en ordre ces quatre propositions:
- Le consentement est la condition première d’une relation éthique. En effet, la contrainte et la coercition indiquent un état de domination, et non de relation. Cependant, cette règle en elle-même n’assure pas l’éthique. Que faire en effet des parties prenantes qui ne sont pas à même de consentir?
- La protection des plus vulnérables prime sur le reste. La personne la plus vulnérable sera rarement vous-même (ceci dit, ce n’est pas impossible). Les enfants de vos partenaires, vos enfants, vos autres partenaires et métamours sont des parties prenantes importantes. Ainsi, consentir à ce que votre partenaire annonce publiquement votre relation est bien, mais si votre femme n’est pas sortie du placard et que cette annonce peut lui nuire personnellement ou professionnellement, ce n’est pas très éthique. De même, on ne peut pas invoquer cette vulnérabilité pour vous forcer à poser un geste contre votre consentement (ce qui serait de la victimisation outrancière).
- Le bien-être de toutes les personnes impliquées est essentiel. Autrement dit, on ne peut jamais faire passer son bien-être avant le consentement de l’autre, ni avant sa protection. Ceci oblige entre autre à divulguer les détails de sa santé sexuelle et à respecter les exigences de protection sexuelle de ses partenaires, peu importe que ça vous rende inconfortable ou pas.
- Le respect des ententes s’impose finalement. Encore une fois, le consentement, la protection des plus vulnérables, et le bien-être de tou-te-s passent avant cet élément. Pour moi, les ententes éthiques sont uniquement celles qui viennent renforcer les trois premières propositions, où qui n’en relèvent pas du tout et viennent cimenter d’autres éléments de la relation entre 2 ou plusieurs personnes. Ceci ne signifie pas que vous avez le champs libre pour rompre vos ententes dès que vous anticipez un problème. Le respect des ententes peut passer par la renégociation, la discussion plus approfondie, la mise en contexte, l’exception temporaire, etc. Il apparaîtra souvent qu’une entente, exprimée vaguement, vise en fait à protéger le bien-être ou la vulnérabilité d’autrui, d’où l’importance du dialogue constant.
Ces propositions ne sont sans doute pas parfaites – tel que mentionné en entrée de jeu, il s’agit d’une recherche constante -mais elles m’aident à faire la part des choses au quotidien. Bien entendu, elles soulèvent plusieurs questions et dilemnes potentiels, mais ces sujets seront traités dans un article ultérieur! N’hésitez pas à commenter, rafiner ou critiquer le modèle en commentaires, ou encore à laisser vos propres exemples de dilemnes éthiques afin de voir comment ils seraient traités par ces propositions.