Relations multiples, deuils multiples?

Les ruptures et les deuils font inévitablement partie des relations amoureuses,  peu importe la durée de vie de celles-ci.  En multipliant les relations amoureuses,  ne risque-t-on pas de multiplier également les peines d’amour? Le polyamour est-il condamné à vivre un deuil perpétuel? Bien sûr que non. Mais si on examinait un peu plus pourquoi?

Il faut d’abord réfléchir à la nature du deuil. Celui-ci passe par une série d’étapes qui sont déjà bien connues: le choc,  le déni,  la colère,  la tristesse et l’acceptation. Cette succession d’étapes révèle la nature du deuil: il s’agit d’un processus. Comme tout processus, il démarre lorsque des conditions de départ sont réunies et prend fin lorsqu’un extrant final est livré.  Pour mieux appréhender le deuil il faut donc savoir quel est le résultat de ce processus. 

Je posite ici que le processus du deuil vise avant tout à créer du sens. Le choc au début du deuil perturbe le sens que l’on donnait initialement à une réalité. Pour réaligner notre vision du monde, les terribles soubresauts que l’on connaît (tristesse, colère) doive briser le déni et nos visions préexistantes du monde afin de permettre à une vision nouvelle d’émerger.  Cette vision n’est pas toujours adéquate.  C’est pour ça que le deuil n’est pas un processus linéaire.  La vision se forge,  se désagrège et se regorge à nouveau, entraînant nos émotions dans une spirale déboussolante. 

Dans une relation monogame,  plusieurs sens sont entremêlés: souvent, des objectifs de vie familiale, financière et émotionnelle se combinent. Le deuil peut devenir très ardu. Dans un contexte polyamoureux, ce n’est pas nécessairement le cas. La composante émotionnelle est généralement présente,  mais les autres varient selon les relations. Paradoxalement,  cela rend le sens de chaque relation beaucoup plus facile à percevoir. Fréquenter plusieurs personnes simultanément nous force en quelque sorte à découvrir ce qui est propre à chaque relation. Une des difficultés initiales du deuil monogame est que le sens de départ n’est pas toujours clair. Pour les polyamoureux cette recherche constante de sens est donc bénéfique.  

Ce n’est pas toujours le cas. On a tous entendus parle de polyamoureux pour qui la fin d’une relation à déclenché une spirale tragique menant à la fin des autres relations également.  J’avancerais ici que c’est un cas où la recherche de sens à du être menée après le choc initial, menant à plusieurs chambardement au gré du processus de deuil. 

Pour atténuer le deuil  (car celui-ci est tout de même inévitable) soyez donc en perpétuelle découverte de sens. Explorez avec vos partenaires ce qui définit vos relations. Apprenez à identifier ce qui les distingue. Et savourez-les dans le moment présent,  plutôt que dans l’avenir. 

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Pouvoir et relations

Comme la plupart des aspects de la vie occidentale, les relations amoureuses « traditionnelles » sont construites autour de relations de pouvoir. Certaines de ces relations sont explicites, d’autres plus insidieuses, mais toutes sont potentiellement néfastes. Dans un cadre polyamoureux, cette dernière phrase est encore plus véridique – c’est une des raisons qui fait de l’anarchie relationelle une philosophie intéressante à pratiquer, peu importe la configuration amoureuse que vous préférez.

Mais revenons aux relations de pouvoir. Elles sont explicites dans bien des cas. Dans les liens légaux qui viennent avec la mariage ou les différentes formes d’union reconnues socialement, dans les avantages fiscaux qui s’appliquent au couple par exemple. C’est aussi explicite dans les règles, us et coutumes qui permettent à un(e) conjoint(e) de dicter à l’autre son comportement, et qui fond qu’un conjoint se sent légitimement « plus important » que les autres relations (du genre, je suis ta blonde/ton chum, je devrais être plus important-e que tes ami-e-s).

Les relations de pouvoir par contre peuvent être plus insidieuses, cachées, et parfois ne rien avoir à voir avec la relation elle-même. Les inégalités économiques entre partenaires de même que les disparités sociales peuvent influencer fortement la dynamique relationnelle au sein d’un couple. Combien de conjoint n’osent pas mettre fin à une relation en raison de la perte de sécurité financière, ou encore parce que leur réseau d’amis au fil du temps s’est étiolé?

Si vous multipliez les relations, vous multipliez également les relations de pouvoir potentielles. Les polyamoureux.ses ne sont donc pas à l’abri de cet enjeu. Les curieux qui ouvrent leur couple pour la première fois, par exemple, ont souvent tendance à mettre en place toute une série de règles à suivre ou à respecter. Idem pour les couples qui cherchent une licorne (une partenaire bisexuelle, souvent exclusive à leur couple et en relation avec les deux membres du couple) mais qui désirent ensuite lui imposer de sévères restrictions sur le type de relation qu’elle peut avoir avec eux, voire sans eux. Tous les polyamoureux plus expérimentés vous le confirmeront: les règles ne sont pas une stratégie viable à long terme. Elles ne font que cimenter le débalancement du pouvoir entre les parties, généralement pour répondre aux insécurités de la personne qui dicte les règles.

Sans m’attarder sur les règles (d’autres en ont parlé avec beaucoup plus d’éloquence!) les liens de pouvoirs peuvent aussi être cachés, implicites dans les relations. Par exemple, si une personne polyamoureuse croit que les relations sont « hiérarchiques », c’est à dire, que certaines ont une importance et une légitimité plus grandes que d’autres, cette personne va le démontrer non seulement dans ses relations avec ses partenaires, mais aussi avec ses métamours. Prenons par exemple Jean, Pierre et Annie. Jean et Pierre ont une relation que Jean catégorise comme « principale ». Annie et Pierre ont une relation qu’ils ne catégorisent pas, Annie étant anarchiste relationnelle. Dans cet exemple, Jean pourrait se sentir légitimé d’empiéter sur le temps qu’Annie et Pierre partagent ensemble parce que pour lui, la relation entre Jean et Pierre est plus importante que la relation entre Annie et Pierre. Ça revient à ce qu’on illustrait plus haut comme comportement: je suis ton chum, je suis plus important que ton amie.

Dans cet exemple, Jean impose sa vision hiérarchique des relations à une personne (Annie), possiblement deux si on inclut Pierre également. Il s’agit de structures de pouvoir traditionnelles, héritées de la monogamie, qui sont reproduites dans un modèle polyamoureux mais qui ne sont pas du tout acceptables (Annie ayant probablement une opinion bien différente de l’importance des relations).

On n’échappera jamais aux relations de pouvoir entre individus, mais afin d’y remédier, il est important de développer deux capacités. D’une part, il faut être capable de reconnaître et d’identifier les relations de pouvoir. Si vous ressentez une contrainte, et que cette contrainte provient d’une partie qui n’est pas directement concernée dans la relation, et que vous n’avez pas consenti à cette contrainte, vous identifiez probablement une relation de pouvoir. (Attention par contre, si vous identifiez une contrainte, mais que vous n’êtes pas directement concerné par la situation – par exemple si vous êtes hétéro et que le mariage gai vous offusque, vous identifiez une situation de privilège).  D’autre part, il faut être en mesure de mettre en place suffisamment de contrepouvoirs pour équilibrer le tout. La communication entre partenaires et métamours demeure la meilleure façon d’arriver à cet équilibre. L’affirmation respectueuse de ses droits, désirs et besoins est un premier contrepoids lorsqu’on empiète sur votre vie privée et souvent le seul qui sera nécessaire. Sinon, il est peut-être temps de mettre un terme à cette relation.

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