Découvrir les autres par la sensualité et la sexualité

L’anarchie relationnelle est une façon de vivre ses relations avec les autres qui, pour méconnue qu’elle soit, offre néanmoins plusieurs avantages autrement inaccessibles. L’un de ces avantages est la capacité de réaliser à leur plein potentiel une multiplicité de relations, peu importe la nature de celles-ci.

La pression sociale qui limite la sexualité à un partenaire, l’exigence d’exclusivité dans les relations et une transposition malsaine des concepts de propriété aux relations amoureuses mènent autrement à un appauvrissement malheureux de la réalisation sexuelle et relationnelle de chaque personne. On en oublie que la sexualité est aussi une façon de communiquer et, sans avoir la richesse sémantique du langage, elle permet de partager une large gamme d’émotions, d’expériences, de sensations de même que d’informations entre les partenaires impliqués.

J’irai au-delà de la simple notion de sexualité pour aborder celle, plus vaste, d’intimité physique. Après tout, le même inconfort, les mêmes contraintes s’appliquent socialement pour l’intimité. Dans ce qu’on peut appeler le Modèle Standard des relations de couple, l’intimité physique platonique (que ce soit une caresse sur la joue, un baiser sur la nuque, etc.), hors du cadre familial – personne ne remet en question le droit d’un parent d’embrasser ses enfants – est restreinte au conjoint et exceptionnellement à de très proches amis. Autrement elle doit s’inscrire dans des actes culturellement circonscrits, comme faire la bise par exemple, ou offrir un câlin dans une situation de réconfort. L’intimité physique romantique (longues embrassades et autres) et sexuelle est réservée au conjoint, sans exception.

Pourtant, toutes les personnes n’aiment pas se faire toucher de la même façon, on l’imagine bien, et réagissent différemment à diverses caresses. Que vos gestes soient plus déchaînés, animaux, possessifs, allant d’une bonne empoignade des cheveux, des hanches, des épaules, voire du cou, ou qu’au contraire ils soient délicats, légers et presque désincarnés,  d’une absolue délicatesse, une friction à peine perceptible entre le bout d’un doigt et la peau, vivant dans la beauté éphémère du moment, les réactions de votre partenaire vous informent sur bien plus que son plaisir immédiat.

Les réactions de l’autre vous en disent long sur sa façon d’accueillir ces gestes, ces attitudes,  et peuvent fournir des indices sur ses expériences passées et ses désirs futurs, indices que vous utiliserez pour moduler vos prochains gestes. L’échange devient alors communication.

Rien n’empêche de regrouper différents types d’expression physique d’ailleurs. Essayez par exemple de caresser doucement votre partenaire avec votre tête, un peu comme le ferait un félin, et vous découvrirez soudainement tout un nouveau monde d’intimité et de vulnérabilité.

Au-delà de la sensualité, les comportements en faisant l’amour sont révélateurs. Votre capacité de percevoir le plaisir et les désirs de l’autre, de les accueuillir et d’y répondre, de communiquer les vôtres, vos réactions ludiques, gênées, fermées ou ouvertes, etc. face à des comportements ou des gestes nouveaux ouvrent une fenêtre nouvelle sur votre personnalité. Les gestes eux-mêmes, la façon de les poser, en dit long sur la façon dont une personne s’est appropriée sa sexualité, la revendique pour elle-même ou la vit plutôt dans le désir de faire plaisir à autrui ou de se conformer.

Votre capacité d’être attentif à ces réactions et à ces indices se développe comme le reste avec l’expérience. Cet apprentissage ne doit pas seulement se faire à l’instinct – n’hésitez pas à demander ce qui plait, ce qui rebute, à confirmer vos intuitions à l’autre, à préciser comment vous aimez être touchés et pourquoi, à explorer  et laisser explorer. Bien entendu, avec un ou une seule partenaire exclusivement, vous apprenez à comprendre le langage de cette personne avec un degré de précision considérablement élevé. En contrepartie, en multipliant les rencontres vous élargissez considérablement la palette de sensations auxquels vous êtes réceptifs et grâce auxquelles vous êtes en mesure d’échanger. La courbe d’apprentissage étant toujours plus forte en commençant, vous apprenez plus rapidement avec plusieurs partenaires qu’en vous restreignant à un(e) seul(e).

Vous augmentez en fait non seulement la richesse de votre langage tactile, mais également le nombre des contextes où déployer votre vocabulaire. Tel que mentionné plus haut, l’intimité n’est pas que sexuelle. Elle peut être platonique, romantique, et au final l’anarchie relationnelle fait de toute façon peu de distinction entre ces caractérisations arbitraires. Selon le moment et la personne, agripper doucement la nuque et mordiller un trapèze pourrait être un geste d’invitation à plus d’intimité, ou de réconfort dans un moment de doute. Faire glisser lentement votre index sur sa peau peut revêtir un caractère sensuel, côte à côte dans le lit, ou apaisant si l’autre s’ouvre avec angoisse et vulnérabilité pour vous confier une situation difficile.

Dans tous les cas, vous communiquez avec une intimité que les mots ne permettent pas et vous permettez à votre relation d’habiter un espace émotionnel plus vaste.

 

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Liberté et In(ter)dépendance

La culture occidentale a regrettablement fusionné les concepts de liberté et d’indépendance: indépendance financière (pensez à Liberté 55), indépendance face aux contraintes imposées par l’état (mouvance libertarienne) par exemple.  L’indépendance et la liberté ont de cette façon été amalgamé avec la notion de pouvoir: est libre celui ou celle qui peut exercer sans entrave son pouvoir sur soi et sur autrui. L’homme libre, homme de propriété ou homme de pouvoir, mais généralement un homme (je souligne le privilège) est seul et de préférence seul au sommet: on célèbre l’entrepreneur avant le cadre, le cadre avant le subordonné.

Ceci nous mène à un ultime constat: la liberté, c’est en quelque sorte d’être propriétaire de soi-même. Dixit le Code civil du Québec: la propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien, sous réserve des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi. La liberté s’oppose donc nécessairement à l’autre et aux limites fixées par la loi, au grand dam des libertariens. Il faut noter d’ailleurs que plusieurs revendications libertariennes visent justement à diminuer les contraintes que l’état impose à l’usage et la jouissance de la propriété privée, peu importe les impacts sur autrui.

La liberté, donc, dans la mesure où elle s’arrête là ou commence en théorie celle d’autrui, est promue comme un idéal qui ne connait que bien peu d’exception. L’une d’entre elles est promue par notre culture: le mariage consensuel entre deux êtres (historiquement hétéronormatif, plus récemment ouvert à tous, et avec ses variantes que sont l’union civile et les conjoints de fait). C’est un rare moment où l’individu migre d’un état d’indépendance (le célibat) vers un état d’interdépendance (le mariage) et, dans la majorité des cas, de retour à un état d’indépendance (le divorce). Cette exception est si surprenante culturellement qu’une partie du Code civil du Québec sert justement à détailler les diverses façons dont l’indépendance et l’interdépendance peuvent être conciliées, notamment du point de vue de la propriété (à noter qu’il permet surtout d’assurer une protection aux plus démunis dans cette situation, de même qu’aux enfants).. Le mariage est d’ailleurs une entrave sur le plan juridique, un lien duquel il faut être libéré avant d’exercer sa liberté de se marier à nouveau.

Et si le problème ici était non pas ce désir de liberté, mais cette vision fausse qu’on en a, cette vision d’indépendance, elle-même axée sur le pouvoir et la propriété. Cette liberté est un mythe réservé à une minorité. Qu’on parle du 1%, du 0,01%, le constat est aussi sombre pour les autres: il est impossible d’être libre au salaire minimum. Il est impossible de construire sans l’apport d’autrui, sans les réalisations passées de la communauté sur lesquelles s’appuyer, et sans la promesse implicite de l’appui futur de cette même communauté pour produire et acheter. Mais une richesse suffisante permet parfois d’influencer et d’acheter la complicité de l’état.

L’immense majorité de la population n’est pas et ne sera jamais libre sous cette définition. Pourtant, en l’érigeant comme idéal, on avec les générations successives complètement perdu les attitudes, les valeurs et les comportements qui permettent à l’interdépendance de s’imposer.  De quoi aurait donc l’air une liberté qui s’érige plutôt sur l’interdépendance, les liens communautaires et le partage? En voici quelques exemples sommaires, bien rudimentaires même, mais qui pourront être développés plus tard.

La propriété, plutôt qu’être individuelle, devient collective. On ne célèbre plus l’entrepreneur, et on se dégage de l’opposition entre le capital et le travail. On se consacre plutôt sur la coopérative, sur le partage des moyens de productions afin de célébrer la réussite commune.

Le mariage, ou l’union civile, ou le terme de votre choix, plutôt qu’une entrave, deviens la consécration de l’interdépendance. Il est reconnu non pas par l’état, mais par ses participants et la communauté, et n’est plus limité ni par le temps ni par le nombre et le genre des parties impliquées.

L’état lui-même cesse d’être propriétaire pour n’être plus que le gestionnaire, le facilitateur de la vie communautaire, notamment par la prise en charge de la protection et de l’accueil des plus faibles et des plus démunis, reprenant en cela certains objectifs du Code civil du Québec décrit plus haut. Il ne faut pas après tout jeter le bébé avec l’eau du bain.

Dans ces trois cas, un argumentaire assez solide pourrait être développé afin de plaider que l’individu est plus libre dans un contexte d’interdépendance que dans une quête d’indépendance. On laissera l’économie et le social à d’autres tribunes, mais nous reviendrons certainement bientôt discuter des aspects relationnels.

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Mais c’est quoi cette histoire d’anarchie? (ou: démystifier l’anarchie relationnelle)

Pour plusieurs personnes, le concept de polyamour est encore inconnu, le concept d’anarchie surtout connu sous sa forme caricaturale, et l’anarchie relationnelle évidemment ne veut rien dire du tout. Même pour les gens un peu plus familiers avec les nouvelles formes de relations amoureuses, il plane toujours une certaine incertitude sur cette réalité – pour de bonnes raisons comme je l’expliquerai plus bas. J’utiliserai alors mon billet de cette semaine pour décrire ma compréhension du concept, de son usage et de son implication pour les relations en général.

Il y a plusieurs façons de définir le polyamour. Dans le doute, partons avec cette définition de Wikipedia: l’orientation relationnelle présumant qu’il est possible et acceptable d’aimer plusieurs personnes et de maintenir plusieurs relations amoureuses et sexuelles à la fois, avec le consentement des partenaires impliqués, et qu’il est souhaitable d’être ouvert et honnête à leur propos. On pourrait questionner la notion que la relation doive être sexuelle (certaines personnes peuvent vivre des relations amoureuses mais non sexuelles, après tout) mais autrement cette définition tient la route.

L’anarchie, de façon courante, est interprétée comme un état de désordre, de confusion dans un domaine d’activité, du fait de l’absence de règles, ou de leur inobservation (c’est ici la définition du Larousse). À noter que l’absence de règles est vue nécessairement comme causant la confusion. La définition d’anarchisme, par contre, va comme suit: conception politique et sociale qui se fonde sur le rejet de toute tutelle gouvernementale, administrative, religieuse et qui privilégie la liberté et l’initiative individuelles. Soyons honnête, peu de gens et peu d’anarchistes (et encore moins d’anarchistes relationnels) font la nuance entre les deux termes.

Alors, que fait l’anarchiste relationnel? Il rejette en gros toute notion de hiérarchie (ou de tutelle) imposée aux relations. Ces hiérarchies sont implicites et omniprésentes dans notre culture (sans que tout le monde adhère à chacune d’entre elles). En voici quelques exemples:

  • Les relations de couple sont mieux acceptées que les autres (du genre amants, amis avec extra, etc.)
  • Les relations avec enfants sont mieux acceptées que celles sans enfants
  • Les relations hétérosexuelles sont mieux acceptées que les relations homosexuelles, et les relations entre personnes cis-genre mieux acceptées que celles impliquant un ou des partenaires transgenres.
  • Les relations amoureuses doivent être aussi sexuelles, et les relations qui incluent le romantisme et la sexualité sont supérieures à celles qui ne comprennent que le volet sexuel ou que le volet romantique, qui sont elles-mêmes distinctes et supérieures des relations platoniques.
  • Si une relation est principale, les autres doivent nécessairement être secondaires.
  • Les familles nucléaires sont mieux acceptées que les familles monoparentales ou reconstituées, etc.

Et même dans les communautés plus ouvertes, on en retrouve encore. Par exemple, j’ai déjà entendu certaines personnes exprimer l’opinion que les relations polyamoureuses étaient en quelque sortes supérieures aux relations échangistes.

Là où ça se complique, c’est que l’anarchie relationnelle, selon la personne et le discours, peut être présentée de deux façons: soit comme un mode d’organisation des relations, ou soit comme une philosophie relationnelle. Résumons:

  • Dans un mode d’organisation des relations, l’anarchie relationnelle est présenté comme une des extrémités du spectre des orientations relationnelles (prenez 2-3 minutes pour aller voir la BD sur mon article à-propos de la fluidité sexuelle, ça en vaut la peine). Donc, l’anarchiste relationnel est présenté comme étant nécessairement solo, avec un ensemble de relations qu’il refuse de définir comme platonique/romantique/sexuelle mais qui se caractérisent plutôt par divers niveaux d’intensité évoluant dans le temps selon les besoins et désirs des partenaires impliqués. La fluidité prime. Il ne faut donc surtout pas confondre avec l’égalitarisme, bien trop rigide.
  • Comme philosophie relationnelle, l’anarchie peut soutenir n’importe quelle forme d’organisation des relations, dans la mesure où cette relation est librement consentie, sans contrainte hiérarchique explicite ni implicite. Peu importe alors où ils se retrouvent dans le spectre des relations mentionné plus haut. Par exemple, à la limite, deux anarchistes relationnels pourraient se retrouver au sein d’une relation intime, sexuelle (ou pas) et romantique (ou pas) si prenante qu’ils n’auraient de facto plus de temps ni d’énergie, voire de désir à consacrer à d’autres types de relations. À toutes fins pratiques, ils seraient monogames, mais cette monogamie ne serait pas vue comme acquise ni même éternelle, juste comme un état de fait à ce moment de leur relation.

À partir de là, donc, difficile de catégoriser quel type de relation peut être ou ne pas être inclus dans l’anarchie relationnelle puisque c’est précisément une des choses qui est rejetée (voir par exemple mon billet précédent sur l’amitié, le sexe et mon polycule). D’ailleurs un des grands obstacles de l’anarchiste relationnel est le langage, qui a évolué pour limiter précisément le type d’interaction représenté: ami, amant, amoureux, partenaire, relation, conjoint, etc. Comme apposer une étiquette à quelqu’un lorsque notre conception des relations est justement fluide? Non seulement c’est inapproprié, mais de surcroît cette étiquette risque d’influencer le comportement d’autrui avec l’autre dans la relation, ce qui n’est pas du tout désirable.

Simplement définir le sujet soulève plusieurs enjeux et questions et c’est un peu le but de faire ce blogue. D’ailleurs, s’il y a des points spécifiques que vous désirez éclaircir, je vous invite à m’en faire part dans les commentaires. Enfin, je présente ici un point de vue et une opinion sur l’anarchie relationnelle. Vous n’aurez pas de difficulté à en trouver d’autres si le sujet vous intéresse. Voici d’ailleurs quelques pistes pour débuter:

1) Un des textes « fondateurs » (traduit du suédois en anglais, mais si vous trouvez une traduction française ça serait bien aussi)

2) Un texte très intéressant sur le blog Troll de Jardin

Bonne lecture!

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Pour en finir avec la jalousie

La jalousie fait peur. Elle fait peur aux gens monogames, exclusifs, comme aux polyamoureux. Et c’est un peu normal. La jalousie est en soi une expression de peur également. Mais c’est aussi, comme je vais argumenter, une émotion qui est apprise et non pas innée, acquise et non universelle. On peut tout aussi facilement apprendre l’émotion inverse: la compersion. Et encore plus idéalement on peut veiller à détruire les conditions qui font que la jalousie se manifeste en premier lieu.

Les polyamoureux québécois connaissent peut-être l’excellent blogue Hypatia from Space. Dans un billet précédent elle a adapté la typologie de Reid Mihalko, qui définit la jalousie comme un mélange de 8 émotions qui se synthétisent ainsi: Possessivité, Insécurité, Perte, Rejet, Solitude, Justice, Infériorité, Convoitise.

Or, toutes ces émotions sont en réalité des manifestations ou des réactions à des caractéristiques de l’environnement socio-culturel que l’on songe rarement à remettre en question:

  1. Les relations sont perçcues comme des droits de propriété ou des acquis
  2. Elles font conséquemment partie d’un ‘marché’ soumis aux lois de l’offre et de la demande
  3. L’équilibre entre l’offre et la demande de relations amoureuses/sexuelles est fortement débalancé et par conséquent les actifs doivent être protégés à tout prix.

Nous sommes propriétaires d’une relation, ou de l’autre, mais incertains de pouvoir le contrôler, nous ressentons alors plus cruellement la perte, nous sentant rejeté et seul car l’offre ne comble pas notre nouvelle demande. C’est profondément injuste – la propriété, après tout, est un droit! – et avilissant. Au contraire nous voulons maximiser notre propriété, en avoir toujours de plus en plus, de plus en plus de contrôle également.

J’ai plutôt de plus en plus le soupçon qu’au contraire cette peur, cette jalousie est un sous-produit de l’appauvrissement de la communauté qui se réduit maintenant à la simple famille nucléaire, voir des formes plus réduites encore. Dans ce contexte de pauvreté relationnelle il est normal que l’enfant apprenne à avoir peur lorsqu’un parent est absent ou donne de l’attention à autrui. Dans un contexte communautaire où plusieurs adultes prennent soin d’un nouveau – né, ce comportement n’a aucune raison de se développer. Il y a une certaine satiété émotionnelle au contraire.

Ce contexte est celui dans laquelle la majeure partie de l’évolution humaine s’est déroulée. Dans une communauté nomade où les gens sont interdépendants, celui qui a le feu doit le partager, tout comme celui qui vient d’obtenir une grosse prise. En fait, chaque prise est sujette à un festin (ce qui a déboussolé les jésuites lors de leur arrivée en Amérique du Nord, tiens) vu l’absence de moyens de conservation.

Autrement dit, toutes les manifestations de jalousie relèvent d’un comportement qui n’est pas naturel, mais qui a été appris par des générations successives depuis une dizaine de millénaires. Depuis que l’agriculture a mis l’institution de la propriété au coeur de l’existence humaine – de toutes ses manifestations, incluant la vie amoureuse et reproductive – pulvérisant en cela des formes d’organisations et de partage plus communautaires qui avaient jusque là façonnée l’existence humaine.

Cet argument est un de ceux soulevés par les auteurs du controversé Sex at Dawn, qui étudie l’évolution de la sexualité et remet en question les préconceptions puritaines à ce sujet. Le livre divise et a ses partisans comme ses détracteurs, autant dans la communauté scientifique qu’à l’extérieur, mais un de ses messages principaux est que, libéré du carcan du droit de propriété, la communauté peut envisager la sexualité d’une façon beaucoup plus libre. De plus, on ajoute que la compétition entre les individus découle aussi de cette propriété, alors que nous avons évolué dans un environnement plus coopératif. Le ‘combat’ entre les individus pour approprier les ressources et transmettre ses gênes est en quelque sorte une vision inadéquate de l’évolution. Si on regarde la morphologie humaine, tout pointe au contraire vers un combat au niveau du sperme, pas au niveau des individus. Autrement dit, tout comme les chimpanzés et les bonobos, les humains ont évolué de façon à avoir plusieurs partenaires lors des périodes de fertilité (qui ne sont pas toujours apparentes de surcroît) et la sexualité peut lier davantage la communauté. Au lieu de compétition entre individus, il y a donc coopération. La compétition se fait à l’intérieur des organes reproducteurs.

Le vrai remède à la jalousie est là: il ne s’agit pas de se morfondre passivement dans son coin, à attendre que son ou sa partenaire revienne de son moment avec un(e) autre, au contraire. Il faut abandonner l’esprit de compétition, activement s’impliquer aussi à élaborer et agrandir sa propre communauté, son propre réseau de contacts et de partenaires, de façon à trouver un équilibre entre les différentes relations. Et histoire d’en rajouter une couche, j’ajouterais qu’il faut encourager et appuyer ses partenaires dans leurs démarches également afin d’assurer en tout temps un équilibre optimal dans la relation.

Après tout, il est inutile de vouloir être propriétaire d’autrui (des générations d’échecs le démontrent bien). Difficile de vivre l’insécurité, un sentiment de perte, d’injustice, d’infériorité ou de se sentir rejeté et seul quand on sait que quelqu’un (voire plusieurs personnes!) nous désire également de son côté. Peu important de parler de convoitise quand nous vivons la satiété. Je disais plus haut qu’on peut rapidement apprendre la compersion. Par observation personnelle, j’ajouterais même qu’on l’apprend encore plus rapidement lorsque nous avons plusieurs partenaires que lorsque nous n’en avons qu’un seul. Plutôt que de mois ou d’années, on parle alors de semaines. Renverser si rapidement un conditionnement qui est martelé dans nos esprits depuis la naissance en révèle long sur l’aptitude de l’espèce humaine de vivre en toute ouverture et liberté de multiples relations.

Mais où est la limite? Doit-on se lancer à tout prix dans la débauche orgiaque pour fuir le sentiment de jalousie? Il ne faut pas sombrer dans la caricature non plus. Le but, encore une fois, est de modifier les conditions sociales qui permettent à la jalousie de naître. L’absence de vie communautaire est une de ces conditions. En recréant une communauté, dans laquelle vous devez vous investir, partager, ne serait-ce qu’émotionnellement, vous faites un pas dans la bonne direction. Et le maintien de cette communauté demandera des efforts de votre part qui viendront vous guider vers  l’équilibre relationnel recherché.

C’est un peu le graal de l’anarchiste relationnel: rejeter une organisation hiérarchique, patriarcale, individualiste et rigide des comportements amoureux pour la remplacer par un mode plus communautaire, autogéré, fluide.

N.B. Le texte a été revu et bonifié le 3 avril pour tenir compte de nombreuses discussions tenues sur d’autres plateformes. 

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