St-Exupéry, le deuil, et l’anarchie relationnelle

Je ne suis habituellement pas du genre à citer du Petit Prince ou encore à méditer sur les citations inspirantes de tout acabit. Cependant j’ai relu dernièrement un chapitre bien connu et mon attention s’est attardé sur un passage que l’on néglige généralement:

Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche:

– Ah! dit le renard… Je pleurerai.

– C’est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…

– Bien sûr, dit le renard.

– Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.

– Bien sûr, dit le renard.

– Alors tu n’y gagnes rien !

– J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.

On retient souvent de ce chapitre le rituel d’apprivoisement du renard qui le débute et surtout, la phrase: « l’essentiel est invisible pour les yeux, » qui vient plus loin. Je crois par contre que la leçon la plus importante se cache dans l’extrait ci-dessus et ce, pour quatre raisons:

  1. Le chagrin que nous vivons dans le deuil n’est pas à blâmer sur l’autre dans une relation librement consentie

L’amour du renard n’émerge pas d’une volonté de contrôle ni d’un vide ou d’un manque intérieur. Quand le Petit Prince dit « je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise, » le renard ne se rebiffe pas. Il ne se fâche pas contre le départ de son ami. Il ne le blâme pas. Il accepte cette décision sans la remettre en question car le départ inévitable de son ami faisait partie des conditions connues lors de l’entrée en relation. Sa seule réponse est « Bien sûr. » Sa réaction au deuil est mature et l’amour qu’il porte pour son ami lui fait accepter la nécessité de cette séparation.

2. C’est le sens que l’on créé à partir des événements qui nous permet de surmonter le deuil.

Quand le renard proclame qu’il y gagne à cause du blé (en fait, du souvenir des cheveux du Petit Prince, qui sont de la même couleur) il démontre que le deuil s’est déjà fait et qu’il a donné un nouveau sens aux événements. Ce n’est pas la présence physique de son ami qui importe, mais son existence. Le rappel qu’il existe quelque part est suffisant pour le réjouir. Mais comment peut-il faire un deuil aussi rapidement?

3. Le deuil doit débuter dès le moment de la rencontre.

Le renard sait, dès les premiers instants, que son deuil sera inévitable et qu’il ne comptera pas sur la présence constante de son ami. L’attente et l’absence, en fait, font parties des éléments qui rehaussent l’expérience de son bonheur. D’où cette référence au blé, à sa couleur, au bruit du vent qui le secoue et que le renard prévoit commencer à aimer. Il a posé dès les début de leur relation les bases d’une signification pérenne, qui ne dépend pas de l’immédiat ni de la présence de l’autre mais bien de la valeur et du renouveau des expériences vécues.

4. Ce n’est pas la durée qui valide une relation mais ce qu’en retirent les participants

Tel que mentionné ci-haut, le renard s’est préparé au deuil. Il l’a fait en sachant fort bien que la relation qu’il développerait avec son ami serait de courte durée. Ceci a été présenté de façcon explicite par le Petit Prince, qui déclarait lors de leur rencontre initiale:  » …je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître ». Sachant celà, il a quant même pris le risque de créer un lien, de se laisser apprivoiser. Au caractère éphémère de la relation, il a choisi d’opposer la chaleur impérissable des souvenirs et du sens. C’est une proposition audacieuse dans un monde où on tâche sans cesse de nous convaincre que les relations qui défient le temps sont des exemples à suivre à tout prix.

Il y a en fait dans ce passage entier des éléments qui sourient à l’anarchie relationnelle. Le Petit Prince et le renard nouent une relation basée sur la transparence et le consentement. Ils communiquent clairement leurs limites, les gestes acceptables en relation, les fréquences auxquelles ils désirent se voir. Ils ne tentent pas de faire entrer la relation dans un moule prédéfini mais co-créent plutôt ensemble le modèle qui leur convient. Mais surtout, on avance qu’il vaut la peine d’aimer même si cet amour sera éphémère et transitoire, que cet amour lui même porte son propre sens et n’a pas besoin d’être validé autrement pour enrichir la vie des personnes qui y participent.

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Les autres types de relation

L’anarchisme relationnel a ceci de propre, dans la grande famille de la non-monogamie éthique, qu’il n’établit pas de hiérarchie a priori entre les différents types de relations. Ça semble en apparence anodin comme distinction, mais plusieurs personnes sont habituées à les séparer et les hiérarchiser, et il vaut la peine par moment de revisiter ces différents types de relation. 

La plupart des gens sont familiers avec les relations romantiques selon ce que j’appelle le « modèle standard »: la relation romantique est également amicale, sexuelle, exclusive, pérenne, etc. Les relations purement amicales ou purement sexuelles ne sont également pas difficiles à concevoir. Mais d’autres liens peuvent unir les gens, au-delà de ces formes de relation. 

Un type d’activité dont on commence de plus en plus à parler dans les médias, entre autre grâce au succès des livres et films de la série 50 Shades of Grey, est le BDSM, un acronyme qui regroupe une série de pratiques autour du sado-masochisme, de la domination et de la soumission, du shibari (l’art de ligoter) ainsi que plusieurs autres « kinks » sexuels ou non. Au-delà de cette discutable représentation médiatique qui fait abstraction du consentement, ces pratiques requièrent généralement un haut degré de communication (verbale et non-verbale) et un lien de confiance fort entre les participants.  Ces liens et la répétition de ces gestes peuvent aboutir sur une relation qui n’incluera pas nécessairement l’amitié, l’amour ni la sexualité. L’activité BDSM en soit valide la relation de ces personnes. 

D’autres exemples de liens sont basés sur une communauté d’intérêts partagés. Un hobby peut réunir les gens. Un partenaire de cartes qu’on voit toute sa vie le vendredi soir peut devenir une personne importante dans notre vie.  Une cause sociale, culturelle ou politique peuvent unir deux personnes (voire plusieurs). Ceci peut les emmener à faire équipe, à développer aussi une relation forte, nourrie par leur implication commune et leur idéologie, qu’elle soit socialement acceptable ou pas. Celle-ci débouche parfois sur un autre type de relation (Bonnie et Clyde, par exemple), parfois pas. Cette relation peut également être professionnelle, et durer ou non dans le temps.  

Les liens familiaux tissent également chez certaines personnes toute une série d’obligations et il n’est pas rare de voir des individus consacrer plus d’énergie à leur famille immédiate ou élargie qu’à d’autres types de relations. La proximité tissée par ces liens débouche parfois sur des collaborations professionnelles: les frères Wright, Marie Curie et sa fille Irène Joliot-Curie, et ainsi de suite. Historiquement d’ailleurs, les liens du sang passaient avant la romance dans les mariages, et ces cérémonies étaient d’abord et avant tout des transactions visant à garantir et consolider les alliances entre deux familles – l’opinion des époux étant parfois accessoire. 

Je ne recommanderais pas de revenir à un tel modèle de nos jours. Par contre, chacun de ces types de relations est en soit valide s’il est consensuel, bénéfiques pour les participants, et reconnu comme important et légitime par ces derniers également. Si dans ces conditions ces liens sont tellement forts qu’ils priment sur d’autres types d’attachement, ce n’est pas quelque chose que nous devons juger mais simplement accepter comme composante du bonheur et de l’équilibre de ces individus. 

Pour certain-e-s, il va de soi que toutes ces formes de relations sont importantes dans une vie. L’anarchisme relationnel en tant que philosophie emmène simplement la nécessité de les considérer comme des relations valides en elles-mêmes, si jamais on avait perdu ce simple fait de vue. 

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Quelques autres nuances de gris

La déconstruction graduelle des normes et des préjugés entourant les relations sexuelles et romantiques nous a mené à voir plusieurs aspects des relations, notamment l’identité de genre et l’orientation sexuelle, comme étant des positions fluides sur un continuum plutôt que des variables binaires. Ainsi, nous avons, en plus des identités masculines et féminines, des identités gender-fluid, queer, voire carrément a-genre. Parallèlement, au-delà des identités hétéro et homosexuelles émerge tout un spectre bisexuel ou encore pansexuel.

Plus récemment, les composantes de l’attirance entre les personnes elles-mêmes ont fait l’objet de cette déconstruction. L’attirance sexuelle, vu comme une condition sine qua non des relations amoureuses, a été remise en question sous la pression émergente de la communauté asexuelle, soit des personnes qui ne ressentent pas ou très peu d’attirance sexuelle envers les autres. L’attirance romantique a emboîté le pas et l’aromantisme a rejoint l’asexualité dans les spectres de l’attirance interpersonnelle.

Évidemment, puisqu’il s’agit de spectres, tout n’est pas noir ou blanc. Toute une série d’identités sont regroupées sous le vocable « gray-asexuality » ou « gray-aromanticism » en anglais (ou encore « a-grise » en français). Par exemple, une personne demisexuelle ne concevra une attirance sexuelle envers une autre qu’après avoir créé un fort lien émotionnel avec cette personne.

L’émergence et surtout, la reconnaissance de ces identités est essentielle dans le contexte de l’anarchisme relationnel (et, entre vous et moi, pas mal essentielle dans n’importe quel autre cadre relationnel également) dans la mesure où elle force la remise en question des schémas relationnels standards, de la « Disney-isation » de l’attirance romantique par exemple, de l’ascenseur relationnel, ainsi de suite. Le propre de l’anarchisme relationnel étant que les paramètres d’une relation sont déterminés par les personnes impliquées dans cette relation et évoluent avec celles-ci, l’acceptation et la validation des identités sur les spectres asexuels ou aromantiques devraient aller de soi.

L’éclatement des normes comportementales quant à l’attirance permet aussi d’identifier, et éventuellement de nommer, le mix d’attirance propre à chaque individu. Par exemple, je me situe quelque part à l’inverse du demisexuel: pour ma part, je ne peux former un attachement romantique que si j’ai déjà conçu une attirance physique réelle pour la personne. Il n’y a pas encore de terme pour ça, et malheureusement d’une certaine façon ça rejoint un préjugé qu’on porte souvent aux personnes cis-masculines: penser au sexe avant tout. Ceci dit, nommer l’identité deviendrait une façon de détruire ce préjugé (ce ne sont pas toutes les personnes cis-masculines qui ont ces attirances précises, d’autre personnes partout sur le spectre du genre pourraient avoir le même schéma d’attirance, et l’attirance romantique est bel et bien forte et importante pour ces personnes).

J’invite en terminant toutes les personnes qui se sont reconnues dans les différentes descriptions présentées très sommairement ci-haut, et toutes les personnes intéressées à en apprendre davantage, à visiter la communauté de référence sur le web pour ces questions ici en français, ou en anglais par là.

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Le droit, la liberté et le plaisir de choisir

Pour les personnes qui adhèrent toujours à un mode de pensée monogame exclusif, le choix d’un-e partenaire romantique a des implications énormes. Il est nécessaire de trouver « le bon » ou « la bonne », avec qui on sera prêt à embarquer dans l’ascenseur relationnel (maison, famille, etc.) pour le reste de sa vie. Comme le mot « exclusif » le sous-entend, il s’agit non seulement de choisir une personne, mais également d’exclure toutes les autres personnes en tant que partenaires éventuel-le-s.

Autrement dit, dans la monogamie, choisir, c’est l’exclusion. Choisir, c’est renoncer.

On ne renonce pas seulement aux autres en tant que partenaires romantiques, mais parfois même à certaines amitiés. La hiérarchisation des relations inhérente au système monogame fait que les amitiés sont vues comme moins importantes, moins privilégiées, subordonnés à la relation romantique principale. Pensez aux nombres d’ami-e-s que vous voyez soudainement moins souvent depuis qu’ils ou elles sont en couple (ou depuis que vous l’êtes!) pour le constater.

Bien que certaines relations non-monogames éthiques requièrent une forme d’exclusivité (on pense aux triades fermées par exemple), ce n’est pas le cas de toutes. Dans une philosophie anarchiste relationnelle, cette exclusivité n’a plus aucune raison d’être en fait, sinon rarement comme un élan temporaire unissant deux ou plusieurs personnes.

Le choix d’un-e partenaire revêt alors une toute autre siginification. Il n’est plus un geste d’exclusion, mais un geste d’inclusion. Il s’agit d’accueillir une nouvelle personne dans le cercle de nos relations, polycules, amis, amours, métamours, etc. C’est un ajout à une vie émotionnelle parfois déjà très riche: non seulement la nôtre, mais celle de toutes les autres personnes avec qui nous sommes en relation également. Au sein d’un polycule ouvert et transparent, chaque nouvelle personne est une richesse pour l’ensemble du polycule.

Vos choix deviennent ainsi un plaisir pour autrui également, et non plus une menace. De même, les choix d’autrui deviennent des opportunités de découverte pour vous. Une fois libéré de la menace de l’exclusion, on découvre l’immense joie qu’il peut y avoir à cultiver plusieurs relations simultanément.

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Le pouvoir et la liberté

La question du pouvoir hante nécessairement l’anarchisme, et par extension l’anarchisme relationnel. Machiavel a déjà dit presque tout ce qu’il y a à savoir sur le pouvoir: ceux qui n’en ont pas tente de l’acquérir par tous les moyens possibles, et ceux qui en ont tentent de le conserver, voir de l’accroître. Machiavel rêvait du Prince, du monarque absolu à même de réunifier l’Italie. De l’autre côté du spectre, on retrouve, dans les mots de Normand Baillargeon, « l’ordre moins le pouvoir », l’autogestion anarchiste et libertaire.

La question de la liberté quant à elle rejoint à peu près tout le monde, et à peu près tout le monde a son mot à dire sur le sujet, surtout lorsque la questions des entraves à la liberté est soulevée. Après tout, la liberté est la capacité d’agir, de faire ce que l’on désire. Mais en société, cette liberté est balisée par la liberté que les autres ont de faire ce que bon leur semble également.

Dans une relation, ou un polycule, ou un groupe d’amis, il est relativement facile d’atteindre cet équilibre si on a la capacité d’exprimer nos besoins, nos limites, et l’empathie nécessaire au respect d’autrui. Comme la rétroaction est fréquente et immédiate, le groupe s’ajuste rapidement, la relation se redresse et demeure en équilibre. La situation se corse lorsque toute une population est concernée. Les frontières entre les libertés sont particulièrement subjectives et difficiles à définir, et une bonne partie du rôle des instruments et institutions de pouvoir consiste à appliquer la force et la dissuasion nécessaire au respect de ces balises.

On peut parfaitement questionner la nécessité de certaines de ces balises et surtout, remettre en question la liberté qu’elles sont sensées protégées. Beaucoup des balises encadrant le droit à la propriété privée visent surtout à maintenir, voir propager des inégalités économiques. Idem pour plusieurs institutions sociales, dont l’éducation et le mariage. Pratiquement toutes ces balises visent à nous faire accepter qu’il est acceptable qu’un « contrat social » nous lie arbitrairement dès notre naissance à un lieu géographique et à un ensemble d’obligations propres à ce lieu, et ce, sans que l’on soit même légalement en âge de consentir au contrat en question.

Certaines de ces balises sont bénéfiques. Les normes qui empêchent la discrimination, qui lient l’état, qui font des contraintes à l’usage de la force sont aussi essentielles. Les règles de santé publiques empêchent des groupes d’illuminés de ne pas vacciner leurs enfants et préviennent ainsi la propagation de maladies dangeureuses (on peut facilement imaginer l’hécatombe si ces groupes avaient la capacité de s’autogérer – sinon allez relire quelques romans d’époque). On voit en fait que l’autogestion est également une forme de pouvoir, et ce pouvoir peut avoir une incidence non négligeable sur le bien-être d’autrui à l’extérieur de la collectivité autogérée. Peu importe ce qu’on fait, on n’échappe jamais vraiment à la question du pouvoir.

Réconcilier Machiavel et pensée anarchiste permettrait d’arriver à un équilibre entre les deux. Une bonne façon d’atteindre cet équilibre passe par les nécessaires contre-pouvoirs. En économie, le syndicat est un contre-pouvoir au capital. En démocratie, le législatif, l’exécutif et le judiciaire demeurent séparés pour cette raison. Mais ce n’est pas suffisant, et l’absence de législation sur certains contrepouvoirs (presse, lobby, capital) peut biaiser les règles du jeux. L’absence de représentation de groupes historiquement opprimés les empêche d’atteindre la liberté. De plus, n’importe quel individu ou groupe atteignant un point suffisant de concentration du pouvoir tentera alors d’altérer les institutions existantes à son avantage, ou les supprimera afin d’en créer de nouvelles, plus bénéfiques (pensez à l’assault de Stephen Harper sur les institutions scientifiques par exemple). Il y a donc un risque constant à opérer avec la distribution actuelle des pouvoirs et contrepouvoirs.

La solution passerait par l’augmentation radicale du nombre et de la force des contrepouvoirs et surtout, une intervention publique continue afin de s’assurer du bon fonctionnement de ces derniers. Ceci implique par contre un minimum de centralisation, donc on n’évacue jamais le pouvoir central au profit de l’autogestion. Il faut le garder solidement sous contrôle afin d’éviter de se retrouver dans la même situation que Kropotkine et Lénine, mais il est au final un mal nécessaire.

Mais au final, quel est l’impact de tout cela sur les relations amoureuses? Les relations n’ont pas échappé au contrôle institutionnel des derniers siècles (voire millénaires) et il est encore impossible dans plusieurs régions du monde d’aimer librement, que ce soit en raison de son orientation sexuelle, de son identité sexuelle, ou de ses préférences relationnelles, notamment quant au nombre de partenaires désirés. Or les institutions discriminantes sont intimement reliées avec les autres formes de pouvoir, d’institutions et de contraintes de nos sociétés (le mariage, par exemple, n’est pas qu’un contrat amoureux, c’est un contrat économique et civil). La lutte contre l’une d’entre elle n’a pas le choix de se faire en convergence avec les autres formes de lutte.

L’anarchisme relationnel n’a pas le choix d’être intersectionnel. On ne peut pas être libre d’aimer sans lutter.

 

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Relations multiples, deuils multiples?

Les ruptures et les deuils font inévitablement partie des relations amoureuses,  peu importe la durée de vie de celles-ci.  En multipliant les relations amoureuses,  ne risque-t-on pas de multiplier également les peines d’amour? Le polyamour est-il condamné à vivre un deuil perpétuel? Bien sûr que non. Mais si on examinait un peu plus pourquoi?

Il faut d’abord réfléchir à la nature du deuil. Celui-ci passe par une série d’étapes qui sont déjà bien connues: le choc,  le déni,  la colère,  la tristesse et l’acceptation. Cette succession d’étapes révèle la nature du deuil: il s’agit d’un processus. Comme tout processus, il démarre lorsque des conditions de départ sont réunies et prend fin lorsqu’un extrant final est livré.  Pour mieux appréhender le deuil il faut donc savoir quel est le résultat de ce processus. 

Je posite ici que le processus du deuil vise avant tout à créer du sens. Le choc au début du deuil perturbe le sens que l’on donnait initialement à une réalité. Pour réaligner notre vision du monde, les terribles soubresauts que l’on connaît (tristesse, colère) doive briser le déni et nos visions préexistantes du monde afin de permettre à une vision nouvelle d’émerger.  Cette vision n’est pas toujours adéquate.  C’est pour ça que le deuil n’est pas un processus linéaire.  La vision se forge,  se désagrège et se regorge à nouveau, entraînant nos émotions dans une spirale déboussolante. 

Dans une relation monogame,  plusieurs sens sont entremêlés: souvent, des objectifs de vie familiale, financière et émotionnelle se combinent. Le deuil peut devenir très ardu. Dans un contexte polyamoureux, ce n’est pas nécessairement le cas. La composante émotionnelle est généralement présente,  mais les autres varient selon les relations. Paradoxalement,  cela rend le sens de chaque relation beaucoup plus facile à percevoir. Fréquenter plusieurs personnes simultanément nous force en quelque sorte à découvrir ce qui est propre à chaque relation. Une des difficultés initiales du deuil monogame est que le sens de départ n’est pas toujours clair. Pour les polyamoureux cette recherche constante de sens est donc bénéfique.  

Ce n’est pas toujours le cas. On a tous entendus parle de polyamoureux pour qui la fin d’une relation à déclenché une spirale tragique menant à la fin des autres relations également.  J’avancerais ici que c’est un cas où la recherche de sens à du être menée après le choc initial, menant à plusieurs chambardement au gré du processus de deuil. 

Pour atténuer le deuil  (car celui-ci est tout de même inévitable) soyez donc en perpétuelle découverte de sens. Explorez avec vos partenaires ce qui définit vos relations. Apprenez à identifier ce qui les distingue. Et savourez-les dans le moment présent,  plutôt que dans l’avenir. 

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Pouvoir et relations

Comme la plupart des aspects de la vie occidentale, les relations amoureuses « traditionnelles » sont construites autour de relations de pouvoir. Certaines de ces relations sont explicites, d’autres plus insidieuses, mais toutes sont potentiellement néfastes. Dans un cadre polyamoureux, cette dernière phrase est encore plus véridique – c’est une des raisons qui fait de l’anarchie relationelle une philosophie intéressante à pratiquer, peu importe la configuration amoureuse que vous préférez.

Mais revenons aux relations de pouvoir. Elles sont explicites dans bien des cas. Dans les liens légaux qui viennent avec la mariage ou les différentes formes d’union reconnues socialement, dans les avantages fiscaux qui s’appliquent au couple par exemple. C’est aussi explicite dans les règles, us et coutumes qui permettent à un(e) conjoint(e) de dicter à l’autre son comportement, et qui fond qu’un conjoint se sent légitimement « plus important » que les autres relations (du genre, je suis ta blonde/ton chum, je devrais être plus important-e que tes ami-e-s).

Les relations de pouvoir par contre peuvent être plus insidieuses, cachées, et parfois ne rien avoir à voir avec la relation elle-même. Les inégalités économiques entre partenaires de même que les disparités sociales peuvent influencer fortement la dynamique relationnelle au sein d’un couple. Combien de conjoint n’osent pas mettre fin à une relation en raison de la perte de sécurité financière, ou encore parce que leur réseau d’amis au fil du temps s’est étiolé?

Si vous multipliez les relations, vous multipliez également les relations de pouvoir potentielles. Les polyamoureux.ses ne sont donc pas à l’abri de cet enjeu. Les curieux qui ouvrent leur couple pour la première fois, par exemple, ont souvent tendance à mettre en place toute une série de règles à suivre ou à respecter. Idem pour les couples qui cherchent une licorne (une partenaire bisexuelle, souvent exclusive à leur couple et en relation avec les deux membres du couple) mais qui désirent ensuite lui imposer de sévères restrictions sur le type de relation qu’elle peut avoir avec eux, voire sans eux. Tous les polyamoureux plus expérimentés vous le confirmeront: les règles ne sont pas une stratégie viable à long terme. Elles ne font que cimenter le débalancement du pouvoir entre les parties, généralement pour répondre aux insécurités de la personne qui dicte les règles.

Sans m’attarder sur les règles (d’autres en ont parlé avec beaucoup plus d’éloquence!) les liens de pouvoirs peuvent aussi être cachés, implicites dans les relations. Par exemple, si une personne polyamoureuse croit que les relations sont « hiérarchiques », c’est à dire, que certaines ont une importance et une légitimité plus grandes que d’autres, cette personne va le démontrer non seulement dans ses relations avec ses partenaires, mais aussi avec ses métamours. Prenons par exemple Jean, Pierre et Annie. Jean et Pierre ont une relation que Jean catégorise comme « principale ». Annie et Pierre ont une relation qu’ils ne catégorisent pas, Annie étant anarchiste relationnelle. Dans cet exemple, Jean pourrait se sentir légitimé d’empiéter sur le temps qu’Annie et Pierre partagent ensemble parce que pour lui, la relation entre Jean et Pierre est plus importante que la relation entre Annie et Pierre. Ça revient à ce qu’on illustrait plus haut comme comportement: je suis ton chum, je suis plus important que ton amie.

Dans cet exemple, Jean impose sa vision hiérarchique des relations à une personne (Annie), possiblement deux si on inclut Pierre également. Il s’agit de structures de pouvoir traditionnelles, héritées de la monogamie, qui sont reproduites dans un modèle polyamoureux mais qui ne sont pas du tout acceptables (Annie ayant probablement une opinion bien différente de l’importance des relations).

On n’échappera jamais aux relations de pouvoir entre individus, mais afin d’y remédier, il est important de développer deux capacités. D’une part, il faut être capable de reconnaître et d’identifier les relations de pouvoir. Si vous ressentez une contrainte, et que cette contrainte provient d’une partie qui n’est pas directement concernée dans la relation, et que vous n’avez pas consenti à cette contrainte, vous identifiez probablement une relation de pouvoir. (Attention par contre, si vous identifiez une contrainte, mais que vous n’êtes pas directement concerné par la situation – par exemple si vous êtes hétéro et que le mariage gai vous offusque, vous identifiez une situation de privilège).  D’autre part, il faut être en mesure de mettre en place suffisamment de contrepouvoirs pour équilibrer le tout. La communication entre partenaires et métamours demeure la meilleure façon d’arriver à cet équilibre. L’affirmation respectueuse de ses droits, désirs et besoins est un premier contrepoids lorsqu’on empiète sur votre vie privée et souvent le seul qui sera nécessaire. Sinon, il est peut-être temps de mettre un terme à cette relation.

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L’accompagnement et la solidarité

Les relations non-monogames éthiques n’auront jamais été autant sous les feux des projecteurs. Les références dans la culture populaire y sont de plus en plus fréquentes et le sujet n’est plus aussi tabou. Paradoxalement, cette nouvelle acceptation de modes de vie amoureux différents se fait en parallèle avec une montée inquiétante du conservatisme, couronnée par l’élection d’un fou furieux doublé d’un narcissique au sud de la frontière, mais tout aussi perceptible dans le discours (et les intentions de vote) en France, au Canada, en Grande-Bretagne et ailleurs.

Dans les circonstances, la solidarité est de mise et devrait se manifester avant tout par l’ouverture aux questionnements des curieux. S’il est vrai qu’on peut arriver au polyamour, à l’anarchie relationnelle ou au couple ouvert par différents chemins (inné chez certain, long cheminement philosophique pour d’autres, et parfois simple curiosité), il n’en demeure pas moins qu’une majorité de personnes font le saut d’une vision plus traditionnelle et désuète des relations (monogamie hétéronormative exclusive aux fins de reproduction) vers un cadre qui correspond aujourd’hui plus à leurs aspirations. Ce faisant, il est nécessaire d’abandonner certains repères et d’en construire d’autres.

J’appelle alors les gens qui ont déjà plus d’expérience avec les concepts de base de la non-monogamie éthique à s’impliquer de plus en plus activement dans leur communauté afin d’appuyer celle-ci. Si ce n’est déjà fait, familiarisez-vous avec les textes classiques (La salope éthique/The Ethical Slut, More than Two, Opening Up, Le guide des amours plurielles, etc.). Il y a plusieurs façons différentes de vivre la non-monogamie éthique et ces textes vous donneront des perspectives intéressantes sur les façons qui diffèrent de la vôtre, mais qui pourraient répondre aux questions qu vous recevrez. Plutôt que simplement orienter les curieux vers ces livres (ce qui n’est pas mauvais en soi, ceci dit), vous pourrez les conseiller avec des passages qui correspondent plus exactement à leurs interrogations.

N’hésitez pas à rejoindre et à participer aux échanges au sein des nombreux groupes Facebook regroupant les communautés polyamoureuses (il y en a certainement une dans votre région, une simple recherche sur les termes Polyamour, Anarchie Relationnelle, Amours Plurielles, Non-Monogamie Éthique vous suffira à les retrouver). Soyez patients, n’oubliez pas qu’il s’agit d’une première expérience pour plusieurs participants et du premier « safe space » pour poser des questions et faire part de ses inquiétudes pour plusieurs d’entre eux, ce qui peut donner l’impression que tout le monde cherche une bouée de sauvetage. Partagez vos expériences positives aussi car on apprend autant par l’exemple que par la lecture.

Enfin et surtout, soyez conscient des inégalités potentielles lorsque vous êtes en relation avec une personne qui commence à explorer les relations non-monogames éthiques. Il est toujours bon de se rappeler le « Campsite Rule » de Dan Savage dans ces circonstances: la personne la plus âgée/expérimentée dans une relation doit toujours faire de son mieux afin de s’assurer qu’à la fin de la relation, l’autre ou les autres partenaires se retrouvent en aussi bon, sinon en meilleur état physique et émotionnel qu’auparavant.

Une dernière note: avec la popularité des termes vient également le détournement de sa signification. Attendez-vous donc à voir plus de gens qui se prétendent « polyamoureux » sans que leur conjoint-e ne soit au courant (alors que le polyamour se veut nécessairement transparent), des « anarchistes relationnels » qui masquent l’égoïsme et l’absence d’implication derrière cette philosophie (alors que l’anarchisme est avant tout orienté vers la communauté et la gestion participative), ainsi de suite. Éduquez-les  d’abord en privé sur la vraie signification de ces termes, car la communauté n’est pas si grande qu’elle peut se permettre d’entretenir des conflits et des médisances qui pourraient être facilement évitées. Mais si le message ne passe pas, n’hésitez pas à les identifier afin de protéger le reste de la communauté.

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La communication exponentielle

Il semble parfois assez difficile pour les personnes impliquée dans un couple « traditonnel » de gérer adéquatement leur communication. Pourtant, le processus est en apparence assez simple: il faut tenir compte des besoins des deux parties, de même que des besoins propres à la relation.

La situation se complexifie très rapidement lorsque d’autres partenaires s’ajoutent à la relation. Ainsi, en trio, il faut tenir compte d’un nombre exponentiel de liens. Par exemple, si Mathieu, Pierre et Jeanne sont en trio, il faut tenir compte non seulement de leurs besoins individuels propres, mais aussi des besoins qui émergent:

  1. De la relation entre Mathieu et Pierre
  2. De la relation entre Pierre et Jeanne
  3. De la relation entre Jeanne et Mathieu
  4. De la relation entre Mathieu, Pierre et Jeanne.

Il n’y donc pas qu’une sorte de besoin à considérer, mais 7. Et si par un beau jour Alexa se joint au groupe, alors soudainement 8 combinaisons supplémentaires viennent de se créer. En effet, il faut alors rajouter aux besoins déjà énumérés:

  1. Les besoins d’Alexa
  2. Ceux issus de la relation entre Alexa et Mathieu
  3. Entre Alexa et Pierre
  4. Entre Alexa et Jeanne
  5. Entre Alexa, Mathieu, Pierre et Jeanne
  6. Entre Alexa, Mathieu et Pierre
  7. Entre Alexa, Mathieu et Jeanne,
  8. Entre Alexa, Pierre et Jeanne.

Si une cinquième personne se rajoutait au mix, vous vous retrouveriez avec au total 31 groupes de besoins ou besoins individuels à considérer. En fait, pour ceux qui ont l’esprit plus tourné vers les mathématiques, le nombre total de combinaisons possibles est de (2 exposant n) – 1, ou n représente le nombre de personnes dans la relation.

Autrement dit, une commune de 10 personnes représente 1023 types de besoins relationnels et individuels à prendre en considération.

La particularité de l’anarchie relationnelle ici est de dire que tous ces besoins sont importants, même si toutes les relations ne sont pas amoureuses. Par exemple, pour revenir à un schéma plus simple, dans l’exemple du trio ci-dessus, il est possible que Mathieu ait une relation amoureuse avec Pierre et avec Jeanne, mais que la relation entre Pierre et Jeanne soit de son côté plutôt platonique. Ceci ne change strictement rien au fait que des besoins peuvent émerger de cette relation, qu’ils ont une validité qu’il faut reconnaître, et qu’ils doivent être reconnus par tous les partenaires.

On comprend donc que pour faire fonctionner une relation polyamoureuse, ou une relation dans un contexte d’anarchie relationnelle, il faut avoir l’ouverture de comprendre la dynamique de toutes les relations potentielles entre les personnes impliquées (même indirectement) dans le polycule, dans le polycule des métamours, etc.

On comprendra aussi qu’il est presque humainement impossible de tenir compte de toutes ces éventualités lorsque vous échangez avec quelqu’un d’autre, d’autant plus que des contextes émotionnels chargés ou tendus peuvent faire que nous voyons principalement nos propres besoins et ceux qui nous affectent directement, au détriment du portrait relationnel global.

Il n’y a pas de remède magique à ces situations. Que des outils et des attitudes à adopter qui peuvent vous faciliter la vie. Faire preuve de patience et de compassion est un must. Parfois, tenter de schématiser, de conceptualiser ce qui se passe (quitte à le dessiner) peut aussi nous aider à remettre les choses en perspective.

Si vous avez des trcs et conseils, je vous invite à les partager avec nous en les mentionnant dans les commentaires!

 

 

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Le mythe de l’engagement

Retour sur une conversation typique qu’ont du avoir tous les gens qui vivent dans une quelconque forme de non-monogamie éthique (polyamour, anarchie relationnelle, etc.) à un moment ou l’autre de leur vie::

« Donc décris-moi ton style de vie? »

« Bien je fréquente plusieurs personnes, qui sont également libres de fréquenter plusieurs personnes… »

« Ah ok, dans le fond tu as peur de l’engagement! »

« Non, j’aime tellement ça m’engager que je le fais avec plusieurs personnes simultanément! »

J’attire votre attention sur le préjugé qui est immédiatement mis à l’avant plan: la peur de l’engagement. Cette espèce d’hystérie collective à-propos de l’engagement repose sur la proposition fort douteuse que non seulement l’humain est par défaut un être incomplet, mais qu’il ne peut être complété que par une relation durable – et essentiellement monogame – avec un (et un seul) autre être humain – préférablement la personne qui critique.

I call bullshit.

On peut méticuleusement décortiquer et détruire chaque composante de cette proposition. D’abord, s’il faut bien reconnaître une nécessaire interdépendance chez les humains, il y a toute une différence entre ça et l’incomplétude. L’être humain n’a pas « besoin » de qui que ce soit pour le compléter et le réaliser et on ne manque pas de réalisations par de grands solitaires afin de nous le rappeler sur une base régulière. Le compositeur Haendel, à qui on connait très peu de relations romantiques, en est un bon exemple. L’actrice (et par la suite brièvement espionne) Greta Garbo en est un autre.

Une personne peut donc fort bien se réaliser dans la solitude et avoir une vie complète et bien remplie, incluant de nombreuses interactions avec autrui. Pour ces personnes, on ne parle pas tant de peur, mais bien d’un refus de l’engagement romantique. C’est une décision de surcroît qui est parfaitement acceptable si la personne y trouve plus de bien-être.

Parler de « peur » de l’engagement est en fait une forme de coercition sociale qui fait de « l’engagement » une performance sociale à accomplir. L’argument va comme suit: on peut avoir peur d’aller au combat, peur de grimper une montagne, peur de changer d’emploi – on craint en général les conséquences liées à une mauvaise performance (possiblement fatales dans les deux premier cas). La relation de couple dans le Modèle Standard est présentée encore une fois comme une activité de performance (avec des buts précis à atteindre), donc ceux qui refusent de participer à cette activité doivent avoir peur aussi, non?

Cet argument ne fait plus aucun sens dès que vous ne souscrivez plus au Modèle Standard des relations (lire par exemple cet ancien billet). Il ne fait pas de sens si vous ne cherchez pas à être en relation, mais préférez une approche plus ponctuelle. Il ne fait pas de sens si vous voulez vraiment vous investir au sein de plus d’une relation (comme le démontrent les articles que je citais il y a deux semaines). Surtout, il ne fait aucun sens si votre point de référence pour l’engagement est une autre entité que le couple. Rien ne vous empêche de vous engager pour votre travail, votre famille, votre polycule, votre communauté. Dans ce dernier cas plus précisément, il est possible d’imaginer cultiver une multitude de relations amicales, romantiques, sexuelles au sein d’une même communauté afin de contribuer à renforcer les liens au sein de celle-ci et de la rendre pérenne.

L’engagement n’a pas à être une norme extérieure à l’individu. On l’a érigé en mythe, en institution et en contrainte sociale fort pratique pour obliger les gens à respecter un modèle de relation plus conventionnel. Plus précisément, lorsqu’une personne invoque la peur de l’engagement d’autrui, elle parle plus souvent de la peur de l’engagement « avec elle ». Le mythe devient à la fois un outil de contrainte et un moyen de se rassurer quant à sa propre valeur (ce n’est pas moi qui est en cause, c’est l’autre qui refuse de s’engager).

Au contraire,  l’engagement est un choix profondément personnel et une décision à respecter dans tous les cas et par toutes les parties, et sa forme n’a pas à être régie par personne.

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