De l’inclusivité dans les événements non-monogames éthiques

Alors que les communautés non-monogames (libertines, polyamoureuses, anarchistes relationnelles et autres) se développent et s’affichent de plus en plus, la question de l’inclusion des nouveaux membres devient de plus en plus pressante. Une embûche inévitable est la contradiction entre le besoin pour certains membres polyamoureux de vouloir s’afficher ouvertement, publiquement et sensibiliser les autres à cette réalité, d’une part, mais le besoin pour d’autres d’avoir un milieu sécuritaire et anonyme au sein duquel ils trouvent conseils, soutien et réconfort.

Selon un argumentaire idéaliste, le polyamour devrait être acceptable socialement et légalement, donc on doit se comporter comme s’il l’était déjà. C’est notre droit et faire autrement reviendrait à nous opprimer nous-mêmes. Ce n’est pas faux, dans un monde idéal. .

De façon plus pragmatique, notre société est un enchevêtrement de relations de pouvoir. La base de notre système légal (et certains diraient, moral) repose au Canada, de par la Charte, sur la protection des plus vulnérables afin de protéger leur intégrité, leur bien-être et leurs droits. La société canadienne reconnait explicitement que certaines personnes sont vulnérables et d’autres privilégiées, et permet, voire encourage la discrimination positive afin de corriger l’oppression systémique envers certains groupes.

Au sein de la communauté polyamoureuse, les mêmes types de relations s’observent, et celles-ci sont complexifiées par le fait que les membres de la communauté polyamoureuse intéragissent individuellement avec des membres hors de la société polyamoureuse qui ont des valeurs, des préjugés, et des pouvoirs différents des leurs. Pour certaines personnes, le placard n’est pas un choix, mais une nécessité vitale. Sortir du placard en ce moment pourrait les exposer à la perte d’un soutien social, économique, culturel, émotionnel, etc. qui augmenterait davantage leur vulnérabilité.

En tant que communauté, nous avons la responsabilité de prendre soin des personnes les plus vulnérables parmi nous, y compris celle qui ne peuvent compter sur un réseau de soutien à l’extérieur du groupe sur les questions relationelles et amoureuses. Certains d’entre nous (c’est mon cas) ont le privilège (je mets l’emphase sur ce mot) de pouvoir être out sans répercussions négatives. Certains d’entre nous n’ont pas cette chance.

Certains d’entre nous ont également le privilège du sexe masculin, de ne pas être atteint d’un handicap physique, de ne pas être une personne racisée, d’être neurotypique, etc, etc. et nous reconnaissons que ceux qui n’ont pas ces privilèges peuvent voir leurs difficultés sociales considérablement augmentées (c’est le propre de la pensée intersectionnelle).

C’est un peu le même principe ici. Certaines personnes ne peuvent tout simplement pas risquer d’être « outée » à leurs enfants (ou à qui que ce soit), mais en ont la garde permanente, et on un réel besoin du réseau de soutien que les communautés et les événements procurent. Il peut parfois être nécessaire de garder certains comportements plus discrets lors d’événements. Ces contraintes – bien expliquées et légitimées à l’ensemble des participants –  envoient un signal à ces membres de ces communautés: nous valorisons leur présence, leur rôle, et nous sommes prêts à collectivement faire un effort pour les intégrer parmi nous et leur venir en aide. Rejeter ce type d’événement revient à ostraciser un groupe de personnes déjà vulnérables parmi ces communautés.

Dans tout groupe, le fardeau de l’ajustement doit être sur les personnes les plus privilégiées, de façon à minimiser les obstacles aux plus vulnérables. Dire autrement serait de rester aveugle devant son propre privilège. Un peu comme ceux qui crient « All Lives Matter » ou encore les « Meninist » (pour faire une illustration à l’extrême du concept).

La variété d’événements organisés par les différentes communautés non-monogames permet heureusement à tous les membres de ces communautés de pouvoir participer à quelques événements sans avoir à vivre de contrainte, et à quelques autres en acceptant les contraintes pour le bien des plus vulnérables (ou encore, en choisissant de ne pas y participer, si cette contrainte est trop lourde à supporter pour une personne vraiment idéaliste).

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