Les difficultés du contact émotionnel

Inévitablement qui dit polyamour ou anarchie relationnelle implique le contact émotionnel entre deux personnes. Mais alors que dans la relation de type traditionnel on s’habitue lentement à la façon de s’exprimer d’une seule personne, dans ces autres contextes nous devons parfois nous adapter rapidement (voire simultanément!) à différentes façons de ressentir et de communiquer ses émotions.

Le contact émotionnel passe par différentes étapes, chacune d’entre elle formant un continuum où les gens peuvent se situer. Comprendre donc comment s’y retrouvent vos partenaires vous aidera à créer avec eux des liens plus intimes.

Tout d’abord vient la capacité de ressentir l’émotion et d’en être conscient. La majorité des gens ressentent une gamme assez variée d’émotions primaires (joie, tristesse, peur, colère) et secondaire (honte, nostalgie, affection, etc.). Chez certaines personnes par contre, l’émotion peut être réprimée ou refoulée inconsciemment, ou encore absente (parfois, seules les émotions primaires sont présentes, parfois aucune), qu’il s’agisse de mécanismes de défense psychologiques ou encore de particularités neurologiques (par exemple, chez certaines personnes neuroatypiques).

L’émotion se distingue aussi de l’humeur, qui est un état d’âme moins spécifique, mais dont les mouvements varient aussi de personne en personne, allant de l’athymie (soit l’absence d’état affectif) jusqu’à des mouvements d’humeur hors de contrôle, et une bonne majorité des gens se situent entre les deux.

Il faut de surcroît être capable d’exprimer cette émotion. On estime qu’environ 10% des gens sont touchés à différents niveaux par l’alexithymie, qui est la capacité de reconnaître et de communiquer ses émotions.

La capacité de percevoir l’émotion chez les autres est un élément important de la communication. Certaines personnes neuroatypiques n’ont pas cette capacité ou la développent à un niveau moindre. Cette perception peut être cognitive, du registre de l’empathie – vous reconnaissez, analysez, et décodez intellectuellement l’humeur de l’autre – ainsi qu’affective, du registre de la sympathie – vous ressentez vous même l’émotion que votre partenaire ressent. (Notez bien que les termes empathie et sympathie sont utilisés différemment selon les auteurs, alors si ces expressions vous déplaisent, sentez-vous libre de substituer celles de votre choix). Chaque personne diffère quant à sa façon de réagir aux émotions d’autrui, ce qui n’est pas en soit une mauvaise chose. Ainsi, un psychopathe primaire pourrait analyser vos émotions pour vous manipuler, mais vous appréciez qu’un chirurgien garde aussi la tête froide en vous opérant. L’empathie et la sympathie sont donc différents de la moralité.

La communication émotionnelle, autrement dit, repose sur une boucle fragile impliquant la reconnaissance de son émotion, l’expression de celle-ci, la reconnaissance de cette expression par l’autre, puis une réaction ou une validation appropriée, et ainsi de suite. Pour des raisons personnelles, psychologiques, neurologiques ou autres, la capacité de vos partenaires peut varier selon chacune de ses étapes. Il devient donc important, surtout si votre polycule est assez diversifié, de reconnaître vos propres patterns, d’en informer vos partenaires et, idéalement, que ceux-ci fassent de même avec vous.

Par exemple,  je n’ai pas de difficulté à comprendre les émotions que je ressens, à les mettre en mots et à les communiquer au besoin. De façon générale je réussis assez bien à décoder les émotions chez les autres – je sais s’ils expriment de la tristesse, de la colère, de la joie, un mélange de diverses émotions, etc. – et j’ajuste mes réactions en conséquence, sur une base presque analytique. Par contre, je ne ressens jamais l’émotion d’autrui. Ceci ne veut pas dire que je ne ressens pas d’émotion envers eux ou pour eux. S’ils connaissent du succès, je me réjouis pour eux. S’ils sont tristes, je tente de voir de quelle façon je peux être présent pour eux. Mais je ne ressens pas moi-même cette tristesse.

Enfin, résistez à la tentation de diagnostiquer vos partenaires (et les gens en général) si leurs schémas émotionnels ne correspondent pas à ce que vous considérer être la norme. D’une part, les diagnostics peuvent être très complexes et requiert une maîtrise avancée de même qu’un détachement clinique que vous n’aurez pas. D’autre part, une erreur de votre part pourrait causer plus de mal que de bien à vos partenaires. Faites preuve de compassion et, au mieux, encouragez l’autre à consulter un professionnel si la situation lui cause une réelle détresse.

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