Je suis féministe parce que je suis anarchiste

On ne peut pas d’une part prétendre à l’anarchie relationnelle et de l’autre encourager la domination systémique des femmes par les hommes. Je suis anarchiste, donc je suis féministe. (Notez bien que dans certaines mouvances féministes, il est inacceptable pour un homme-cis de se prétendre féministe puisqu’il n’a pas connu les oppressions que subissent les femmes. Ces mouvances préfèrent le thème « allié ». Il n’y a pas consensus et, du moins dans le cadre plutôt inclusif du féminisme au Canada, au Québec et à Montréal, il ne semble pas y avoir d’objection à ce qu’un homme-cis réfère à lui-même comme féministe, au contraire cet usage est encouragé. Si mon usage vous choque, acceptez mes plus sincères excuses et substituez librement le terme « allié »). Je ne veux rien savoir de vos hiérarchies basées sur des inégalités, tout aussi historiques soient-elles. Je ne comprends pas comment on peut désirer hiérarchiser les genres, encore moins dans un monde où le genre est fluide. Et j’en ai ras-le-bol de la domination (à part peut-être la domination consensuelle dans le cadre d’une activité BDSM, mais ça c’est une autre histoire).

Mais peut-être bien aussi que je suis devenu anarchiste parce que j’étais féministe. Parce que toutes ces histoires de discrimination, de harcèlement et d’agressions, je les ai entendues en confession des lèvres de mes amoureuses, amantes, amies, partenaires. Au point où, lorsque les statistiques ont éclaté au grand jour, lorsque les médias ont dû sortir leur tête du sable (pour ne pas nommer un endroit moins confortable), à la fausse stupéfaction générale des bien-pensants qui auraient préféré continuer à se vautrer dans l’ignorance, j’ai surtout constaté l’écart pas si élevé entre mon échantillon et la réalité cruelle et terrifiante.

La plupart de mes partenaires qui m’ont confié leur historique d’agression sont celles qui ont survécu, qui ont surmonté, qui ont réclamé leur existence et leur sexualité, et qui ont décidé de la vivre triomphalement malgré un cheminement long, ardu, tortueux, et parsemé d’incompréhension, d’indifférence, et de culpabilisation. D’autres s’en sont moins bien sorties comme en a témoigné cette incapacité d’atteindre l’orgasme parce que la culpabilité remonte toujours en torrent au moment crucial et déferle en un déluge de larmes. Comme d’autres où les manifestations de souffrances, l’image de soi constamment remise en question, les troubles alimentaires, les dépressions, les troubles de personnalité, les troubles sexuels ont pris le dessus.

Comment pouvez-vous bordel vouloir encourager cette douleur et cette souffrance? C’est pourtant le bâtard illégitime de la domination et de la hiérarchie. Refuser le féminisme, c’est supporter cette torture. Il n’y a pas vraiment d’autres options possibles.

Je suis devenu anarchiste parce que j’étais féministe, et qu’ultimement j’ai compris que la domination et la hiérarchie créent toujours les mêmes effets pervers, peu importe le groupe discriminé et rabaissé. Surtout, parce que j’ai réalisé qu’en créant un environnement ouvert où toutes pouvaient s’exprimer et revendiquer leur identité, leurs désirs et leurs émotions sans crainte ne pouvait ultimement que maximiser le bonheur commun.

En tant qu’homme, je peux individuellement l’affirmer, mais surtout encourager les hommes comme les femmes comme les non-binaires à collectivement revendiquer leur féminisme, leur désir de faire changer un état des choses inacceptable. Nous sommes tou-te-s féministes. Point.

Ça devrait être à la portée de nos ministres, non?

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