Un concept dont on ne parle pas à prime abord lorsqu’on traite du sujet de la non-monogamie éthique est celui de la saturation. Comment fait-on pour reconnaître quand assez, c’est assez? Dans un contexte culturel monogame la réponse est assez claire: une personne, c’est assez – notez que certaines cultures font des exceptions pour les amants et maîtresses « illicites ».
Lorsqu’on brise les codes culturels en vigueur, il faut réapprendre à poser les limites, ce qui n’est pas nécessairement évident. Il faut d’une part accepter que oui, nous avons des limites et ensuite essayer de les définir, ce qui est aussi une tâche complexe.
Par exemple, qu’entendons-nous exactement par saturation? Il serait réducteur de réduire le concept au simple nombre de relations (amoureuses ou pas) qu’une personne peut avoir. J’ai déjà mentionné dans un article précédent ma formule « 6 plus ou moins 2 » pour évaluer le nombre de relations simultanées que je me sens en mesure d’entretenir tout en ayant un apport assez enrichissant pour mes partenaires également. Mais comment savoir quand on est dans le « moins 2 » ou dans le « plus 2 »?
Il faut voir la saturation comme un ensemble des circonstances de vie et planifier une contingence pour les aléas de chaque sphère du quotidien. Travail, études, famille et enfants, loisirs, tous ces domaines occupent une partie significative de notre temps et de notre énergie. Chaque nouveau projet, chaque nouvelle passion entraîne une nouvelle ponction de ces précieuses ressources.
Comme les circonstances de chaque personne sont différentes, il n’y a pas de façon universelle de déterminer la « capacité relationnelle » pour ainsi dire. On peut par contre chercher à identifier des signes clairs qui sonnent l’alarme lorsqu’on se rapproche du point de saturation. Lors de la conférence Amours 2.0 qui a eu lieu il y a trois semaines, j’ai apporté l’élément de réflexion suivant: on peut se considérer saturé lorsqu’il devient impossible de prendre du temps pour soi. Simplement avoir un moment seul à ne rien faire, à ne rien faire de productif, de relationnel, d’imposé. Lorsque nous perdons la liberté de nous réserver à nous-même une case dans notre horaire, il est clair que nous avons atteint un seuil qui met en péril certaines obligations, car il suffit d’un simple imprévu pour tout chambouler votre emploi du temps sans qu’il n’y ait de cas-horaire tampon pour absorber le choc.
Sachant cela, faites passer un test de stress à votre emploi du temps. Imaginez une urgence imprévue dans un domaine quelconque (travail, famille, ou autres tels que mentionnés ci-haut). Comment pourriez-vous réagir? Comment réagiraient vos partenaires? Avez-vous déjà abordé le sujet ensemble? La réponse à ces questions vous aidera à mieux vous connaître ainsi que vos limites, mais permettra aussi de clarifier à l’avance avec vos partenaires vos attentes en terme de gestion du temps et pourra vous aider à communiquer un peu plus efficacement lorsqu’une crise imprévue surviendra.
Il est intéressant de pouvoir détecter le moment de saturation comme une situation où on manque de temps pour soi… mais à mon avis, la saturation survient surtout lorsqu’on manque de temps et d’énergie à consacrer à nos relations par rapport à notre idéal. Dans cette perpective, il faut soit changer les idéaux (attentes) pour notre relation, changer la nature de nos relations pour qu’elles exigent moins de nous ou encore réduire le nombre de partenaires.
J’aimerais aussi faire remarquer que pour certaine personnes poly, le nombre de personne dont on peut tomber amoureux peut être limité, peu importe qu’elles aient du temps ou non.
C’est un bon point. Je prenais pour acquis que lorsqu’on a du temps de libre, on le consacre à la recherche de ce qui est idéal, mais la précision emmenée ici est fort pertinente! 🙂
Il n’y a sans doute pas un truc unique pour éviter la saturation, tous les commentaires sont bienvenus.