Offre et demande polyamoureuse

On me pose souvent la question de savoir comment on fait pour rencontrer d’autres personnes lorsqu’on vit en solution de non-monogamie (couple ouvert, polyamour, anarchie relationnelle, etc.). En réalité ce n’est pas si complexe que ça dans la mesure où certains des prérequis de base de la rencontre amoureuse changent lorsqu’on a plusieurs relations.

Commençons par modéliser l’offre et la demande de relation monogame, et explorons ensuite les variantes.

En supposant que l’amour est un marché (et ici, le marché dans son expression idéale, soit un lieu d’échanges) où un seul critère est recherché (ce critère pourrait être la grandeur, l’éducation, la richesse, la qualité de la langue française, l’engagement social, mais pour faire ça superficiel, je vais prendre la beauté), ET en supposant que la beauté est un caractère objectif et universellement reconnu (ce qui n’est pas le cas, mais c’est pour la démonstration, là)…

Toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes « objectivement belles » recevront beaucoup plus d’offres que le les personnes « objectivement non-belles ». Ceci dit, comme chaque personne ne cherche qu’une seule et unique relation, elles doivent répondre aux offres reçues de façon à sélectionner le meilleur candidat possible. Donc, pour équilibrer l’offre et la demande, les personnes « obectivement belles » répondront à beaucoup moins d’offres et les personnes « objectivement non-belles » devront répondre à beaucoup, beaucoup plus d’offres, voire faire plus de demandes de leur côté.

En d’autre mots, comme la personne « objectivement belle » est pas mal plus populaire, les chances qu’elle sollicite une autre personne sont beaucoup moindres.. Et comme la personne « objectivement non-belle » doit solliciter plus de gens, les chances qu’elle sollicite une autre personne qui ne la trouve pas de son goût sont très élevées. L’essentiel du comportement sur les sites de rencontre n’est donc au final qu’une question d’équilibre des courbes d’offres et de demande.

Dans la réalité, il y a plein de critères qui font qu’une personne se perçoit comme populaire ou désirable, ou non, et les réactions vont changer selon cette perception – pas nécessairement dans le sens que j’ai décrit. Il y a d’ailleurs une étude fascinante des comportements des usagers face à la beauté perçue sur le blog du site Ok Cupid (et l’épiphanie de Nash menant à sa théorie de l’équilibre, dans le film A Beautiful Mind, vaut absolument le détour).

Ajoutons une autre dimension à cette analyse. Le libre-marché, pour fonctionner efficacement, dépend d’une circulation libre et entière de l’information entre les participants. C’est ce qui permet à tout le monde de faire des choix éclairés. Dans un contexte monogame, vous voudrez par contre vous assurer que l’information diffusée vous assurer une rencontre optimale. Si vous avez assez confiance en vous pour être totalement transparent, vous maximisez les chances d’avoir un match qui corresponde à vos affinités. Si par contre vous croyez être sous la moyenne quant à vos diverses qualités, une stratégie plus appropriée serait d’adopter des allures mystérieuses, des demi-vérités, voire ne pas diffuser d’information du tout.

Dans l’optique du polyamour le changement devient encore plus intéressant, car le choix n’a pas besoin d’être unique. Comme le choix ne se fait plus selon un dosage parfait de tous les critères souhaités par une personne, mais selon une attirance qui peut reposer sur un seul, ou une partie, de ces critères, les possibilités de connexions intéressantes sont multipliées par un facteur beaucoup plus élevé que le nombre de partenaires optimal recherché par chaque personne.

La transparence devient ainsi un outil de multiplication des rencontres car, plutôt que d’espérer le match parfait, vous préférerez multiplier les différentes qualités exprimées de façon à rejoindre le plus vaste éventail de partenaires possible.

Cette justification explique pourquoi on passe d’un modèle de rareté des relations à un modèle d’abondance, pourquoi la transparence absolue est une option payante, et pourquoi il est paradoxalement facile de rencontrer, même à l’intérieur de ce qui semble en apparence une communauté réduite.

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La non-monogamie comme stratégie de positionnement dans le marché amoureux

J’aime aborder le sujet de la non-monogamie sous plusieurs angles: psychologie, mathématique, marketing… Alors pour m’amuser un peu – et, je l’espère, pour vous divertir également – je vais traiter du sujet aujourd’hui comme on traiterait des stratégies commerciales.

Commençons par traiter l’amour, et les relations amoureuses plus précisément, comme un marché soumis aux lois de l’offre et de la demande. Chaque personne qui entre dans ce marché a des caractéristiques qui lui confèrent une valeur donnée, et recherche en contrepartie un ensemble de caractéristiques à qui elle accorde aussi une valeur. Ces relations ont un coût d’acquisition, qui se trouve être l’effort qui doit être mis par chaque partenaire pour trouver et séduire la bonne personne et faire fonctionner la relation par la suite.

Dans un modèle où l’information circule parfaitement et librement entre tous les participants du marché, il se produit quelque chose d’intéressant. Plus l’information circule, plus le marché devient homogène afin de faciliter la comparaison. Une norme relationnelle se dégage afin de diminuer les coûts (lire, l’effort) de recherche et de participation au marché: en effet, plus vous correspondez à la norme, plus le coût d’intégration à une relation diminue. Dans cet environnement de plus en plus standardisé, les participants recherchant et offrant le plus de valeur au plus faible coût se retrouvent mutuellement et graduellement, laissant au fur et à mesure que le temps avance seulement des candidats dont la valeur laisse à désirer et ne répond pas aux attentes des autres participants dans le marché.

Autrement dit, passé un certain âge/stade/étape de vie, il semble que tous les bons prospects sont déjà en couple stable. Ne déprimez pas toute de suite cependant si vous êtes toujours célibataires! Heureusement pour vous, l’information ne circule ni parfaitement ni librement, et les attentes tout comme les qualités des gens changent avec le temps. L’espoir n’est donc pas mort!

On peut décrire la stratégie ci-dessus comme une stratégie centrée sur les coûts: dans ce modèle, votre but est de convaincre le partenaire potentiel qu’avec vous, il obtiendra avec un moindre effort un plus beau couple, une plus belle relation, de plus beaux enfants, une plus grosse maison, un plus beau chalet à la campagne, etc, etc, etc. afin que vous puissiez également obtenir tout ceci avec le moins d’effort possible.

À l’opposé de la stratégie basée sur les coûts se situe la stratégie basée sur la différentiation. Cette stratégie vise directement les inefficacités de marché qui ne sont pas comblées par la première stratégie. Par exemple, il se peut que la distribution des besoins dans le marché des partenaires potentiels ne conviennent pas du tout à ce que vous recherchez, et vice-versa, que ce que vous offrez ne correspond pas aux attentes de la majorité des participants dans ce marché. Au lieu de vouloir répondre à tous les besoins de partenaires potentiels, vous vous concentrez alors seulement sur un créneau ou quelques créneaux.

Qui décidera d’adopter cette stratégie? Ce seront les personnes qui trouvent que l’effort nécessaire pour se conformer au Modèle Standard ™ des relations est trop élevée, ainsi que les gens qui réalisent que ce Modèle ne permet pas de répondre adéquatement à leurs besoins. La différentiation ouvre la porte à la non-monogamie en reconnaissant qu’un partenaire peut combler chez vous certains besoins qu’un autre ne pourrait pas, mais que ce deuxième ait à son tour la capacité de répondre à d’autres désirs, etc, etc.

Pour survivre dans ce marché, il vous faut un avantage concurrentiel – idéalement plusieurs – qui saura répondre au besoin d’un segment ou d’une niche de clientèle. Mais cet avantage n’est pas suffisant – il vous faut aussi être en mesure de diffuser et de maintenir cet avantage auprès de ce segment. Donc, la communication constante et appropriée est importante car vous ne pouvez pas vous fier sur une norme établie pour présumer et prendre pour acquis que votre partenaire vous comprendra.

Cette stratégie a cependant des avantages évident. D’une part, elle favorise grandement la rétention de la clientèle. Dans le modèle monogame centré sur les coûts, rien n’empêche une personne d’être larguée si un partenaire plus adéquat se pointe à l’horizon! D’ailleurs, incidemment, une partie du cadre social et légal autour de la monogamie vise justement à créer un ensemble de contraintes qui rendent plus difficile de sortir d’une relation.  Dans un modèle non-monogame efficace, vous devez mutuellement constamment vous adapter à la réalité de votre segment de marché.

Cette stratégie réduit également l’impact de certaines externalités. La transmission des ITS en est un exemple: les gens monogames infidèles sont plus susceptibles d’avoir des comportements à risque que les gens pratiquant une forme éthique de non-monogamie.

À vous maintenant de déterminer ce qui fera votre valeur sur le marché des relations amoureuses: le faible investissement requis pour obtenir une relation standard, ou la différentiation qui vous apportera des avantages uniques mais nécessitant plus de travail!

 

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