Micro-tromperie, ou le délire monogame

On fait grand cas dernièrement de la « micro-tromperie » (micro-cheating dans l’expression originale anglophone). Il s’agit apparemment d’une série de petites actions qui indiquent qu’un des partenaires dans une relation monogame focalise une partie de son attention sur quelqu’un d’autre que son partenaire exclusif. Depuis que l’expression a été lancée par la psychologue australienne Melanie Schilling, elle a été reprise à toute les sauces par différents média.

Le simple fait que l’on puisse débattre de ce qui constitue une « micro-tromperie » ou pas relève en soi d’une culture de monogamie toxique. C’est un des paradoxe de l’exclusivité: on réclame l’attention entière de son partenaire, mais dans les faits, c’est pratiquement impossible. À moins de vivre en parfaite autarcie, en retrait de la civilisation avec votre partenaire, vous aurez nécessairement besoin de diviser votre attention, ne serait-ce que pour gagner votre vie, aller à l’école, à l’hôpital parfois, faire les courses, ainsi de suite. Exclusivité ou pas, notre attention n’est jamais tournée à 100% vers quelqu’un d’autre, et avoir une telle exigence relève du délire narcissique pur et simple. C’est cette valorisation du contrôle des pensées et geste d’autrui qui rend une relation (monogame ou pas) toxique.

À partir de ce point, le mandat de l’exclusivité revient à trouver la ligne entre les comportements qui doivent être exclusifs au couple, et ceux qui relève de l’autonomie individuelle de chaque partenaire. Un des enjeux est que la société promeut une vision idéalisée de l’amour romantique qui empêche cette autonomie. On ne permet aucune brèche, pourtant qu’un partenaire entretienne une relation de flirt virtuel avec une tierce partie dans ses temps libres n’enlève rien nécessairement à l’autre partenaire. On dira que maintenir cette activité secrète n’est pas éthique, mais le secret est une des composantes essentielles du modèle monogame standard, tel que discuté dans cet ancien billet. J’affirmais dans ce même billet que l’imposition du standard d’exclusivité menait à éradiquer la communication et la transparence, et ce sont justement ces deux éléments qui sont nécessaire au maintien d’une relation éthique, qu’elle soit monogame ou pas.

Dans n’importe quelle relation, il est important de définir les attentes comportementales envers les personnes impliquées (peu importe leur nombre). Que ce soit le temps passé ensemble, les activités réservées à la relation, celles permises au-delà de celle-ci, celles exclues de la relation, ces éléments doivent faire l’objet de discussions explicites et être revisités périodiquement. Tout comme on fait des rénovations de façon préventive dans la maison et que l’on emmène la voiture chez le concessionnaire pour un entretien de façon régulière, il faut prendre soin de ses relations couramment. Le problème de la micro-tromperie n’est pas qu’un partenaire fasse des actions en secret, mais bien que la relation n’ait pas un cadre de communication assez souple et transparent pour laisser un peu d’autonomie aux individus. Autrement dit, la micro-tromperie n’est pas le mal, ni un remède, mais un symptôme d’une carence dans la relation.

Passer d’une mentalité de contrôle (je veux que tu me consacres toute ton attention et ton temps) à une mentalité de partage (j’aime le temps que nous consacrons à prendre soin de nous) redonne à chacun son autonomie et permet à la relation de s’ouvrir sur le monde (qu’elle soit ou non exclusive). Elle permet aussi à chaque partenaire d’enrichir sa vie à l’extérieur de la relation sans compromettre celle-ci.

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Exclusivité vs Transparence

Pour les gens qui effectuent le passage d’un mode de vie monogame à la non-monogamie éthique, certains comportements, émotions et habitudes sont difficiles à surmonter. On mentionne fréquemment dans les difficultés vécues la présence de jalousie et l’insécurité, et différents remèdes sont proposés pour y remédier. Je crois qu’il est utile par contre de réfléchir aux raisons pour lesquelles cette transition est si pénible parfois. J’avancerais qu’un univers où la monogamie est la norme a comme valeur centrale l’exclusivité (et ce, pas seulement dans les relations amoureuses) tandis que la non-monogamie a comme valeur centrale la transparence ou l’honnêteté radicale. Ces deux concepts peuvent parfois entrer en confrontation.

(AJOUT: lors de l’écriture du billet j’ignorais tout du mouvement Américain autour du « Radical Honesty » et je ne peux pas prétendre ici que j’adhère à ce mouvement ni à ses principes.  Fiez-vous plutôt à mes descriptions ci-bas pour comprendre ce que j’entends par honneteté radicale.)

L’exclusivité soutient l’univers monogame si intensément qu’elle en élimine à l’occasion la nécessité de communiquer. L’exclusivité devient ainsi réclusion, voir exclusion. Ce qui se passe entre deux personnes, de cette façon, ne peut appartenir qu’à ces deux personnes. Le couple s’appartient, autant émotionnellement que physiquement que financièrement (voire légalement). Chaque groupe, même les groupes non-amoureux, deviennent ainsi exclusifs. Ce qui se passe entre amis reste entre amis. On s’attend au secret et à la discrétion partout: c’est la caractéristique centrale des sociétés qui adoptent la monogamie. Cette discrétion est en soit rassurante: le silence vient confirmer qu’il ne se passe rien d’autre à l’extérieur du couple. Parler d’envies, d’attirances, de désirs qui minent l’exclusivité devient conséquemment dangereux, car la moindre brèche peut faire effondrer le mur isolant le couple des périls extérieurs. La communication devient secondaire, subordonnée à la protection du couple. Certains désirs et besoins ne peuvent être explorés, les partenaires peuvent être pris pour acquis, mais comme l’union va au-delà de l’amour et des besoins affectifs (le couple monogame étant une construction d’abord et avant tout économique) ces difficultés demeurent.

En contrepartie, la non-monogamie repose pour réussir sur la transparence. L’honnêteté radicale est nécessaire avec chaque partenaire pour bien présenter les attentes, les possibilités, et bien représenter les besoins et les désirs des personnes impliquées. Les contraintes, l’évolution des besoins, des désirs, et les transformations de chaque individu augmentent considérablement lorsque augmente aussi le nombre de partenaires. Impossible alors de s’en remettre aux sous-entendus, à l’opacité volontaire des propos et aux cachotteries puisque les autres réalisent rapidement l’incohérence entre ce qui est dit et ce qui est ressenti en ces circonstances. La transparence a l’avantage de s’étendre à l’ensemble de vos relations, peu importe la nature de celles-ci, et vous rend la vie beaucoup plus facile puisqu’il est inutile de se rappeler ce que vous avez dit et à qui.

Les difficultés des relations non-monogames débutent souvent lorsqu’un élément essentiel n’a pas été communiqué. Par exemple, si vous débutez une relation et que vous n’exposez pas clairement à votre nouvelle flamme le nombre de partenaires dans votre vie actuellement et l’intensité de la relation que vous partagez, cette nouvelle personne ne pourra pas comprendre la place que vous êtes prêt à lui faire, l’énergie et le temps que vous pouvez lui consacrer, etc. De même, si vous n’avisez pas vos partenaires lorsque vous vivez un épisode de NRE (new relationship energy, soit la passion des relations qui naissent) votre polycule aura de la misère à suivre et comprendre votre état émotionnel, ce qui peut générer du ressentiment, l’impression que les besoins d’autrui sont négligés, etc. Si vous vivez un moment difficile et que vous avez besoin de soutien supplémentaire, il faut aussi prendre l’habitude de le dire et de préciser quel est ce besoin. Tous ces éléments exigent évidemment un certain travail afin de parfaire sa connaissance de soi, mais ce travail vous aide à ajuster vos relations afin de répondre pleinement aux besoins et aux désirs de chacun des partenaires impliqués.

Tenter de passer d’une culture exclusive à une culture ouverte sans adopter cette transparence risque de créer des difficultés. C’est sans doute l’origine de la méfiance des gens qui pratiquent la non-monogamie envers les arrangements de type « don’t ask, don’t tell ». Le secret et la discrétion sont des caractéristiques des relations exclusives et ce genre d’arrangement cache souvent des infidélités ou des accords qui ne sont pas pleinement consentis ou compris. Même lorsqu’elle est consentie par les partenaires, cette ouverture secrète risque de créer des difficultés – comment planifier son horaire et ses sorties sans partager un minimum d’information sur ses autres engagements?

Élevés dans une culture du secret, l’honnêteté radicale peut sembler menaçante a priori, déstabilisante. Soyez certains cependant que la transparence paie et contribuera à fortifier l’ensemble de vos relations.

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Offre et demande polyamoureuse

On me pose souvent la question de savoir comment on fait pour rencontrer d’autres personnes lorsqu’on vit en solution de non-monogamie (couple ouvert, polyamour, anarchie relationnelle, etc.). En réalité ce n’est pas si complexe que ça dans la mesure où certains des prérequis de base de la rencontre amoureuse changent lorsqu’on a plusieurs relations.

Commençons par modéliser l’offre et la demande de relation monogame, et explorons ensuite les variantes.

En supposant que l’amour est un marché (et ici, le marché dans son expression idéale, soit un lieu d’échanges) où un seul critère est recherché (ce critère pourrait être la grandeur, l’éducation, la richesse, la qualité de la langue française, l’engagement social, mais pour faire ça superficiel, je vais prendre la beauté), ET en supposant que la beauté est un caractère objectif et universellement reconnu (ce qui n’est pas le cas, mais c’est pour la démonstration, là)…

Toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes « objectivement belles » recevront beaucoup plus d’offres que le les personnes « objectivement non-belles ». Ceci dit, comme chaque personne ne cherche qu’une seule et unique relation, elles doivent répondre aux offres reçues de façon à sélectionner le meilleur candidat possible. Donc, pour équilibrer l’offre et la demande, les personnes « obectivement belles » répondront à beaucoup moins d’offres et les personnes « objectivement non-belles » devront répondre à beaucoup, beaucoup plus d’offres, voire faire plus de demandes de leur côté.

En d’autre mots, comme la personne « objectivement belle » est pas mal plus populaire, les chances qu’elle sollicite une autre personne sont beaucoup moindres.. Et comme la personne « objectivement non-belle » doit solliciter plus de gens, les chances qu’elle sollicite une autre personne qui ne la trouve pas de son goût sont très élevées. L’essentiel du comportement sur les sites de rencontre n’est donc au final qu’une question d’équilibre des courbes d’offres et de demande.

Dans la réalité, il y a plein de critères qui font qu’une personne se perçoit comme populaire ou désirable, ou non, et les réactions vont changer selon cette perception – pas nécessairement dans le sens que j’ai décrit. Il y a d’ailleurs une étude fascinante des comportements des usagers face à la beauté perçue sur le blog du site Ok Cupid (et l’épiphanie de Nash menant à sa théorie de l’équilibre, dans le film A Beautiful Mind, vaut absolument le détour).

Ajoutons une autre dimension à cette analyse. Le libre-marché, pour fonctionner efficacement, dépend d’une circulation libre et entière de l’information entre les participants. C’est ce qui permet à tout le monde de faire des choix éclairés. Dans un contexte monogame, vous voudrez par contre vous assurer que l’information diffusée vous assurer une rencontre optimale. Si vous avez assez confiance en vous pour être totalement transparent, vous maximisez les chances d’avoir un match qui corresponde à vos affinités. Si par contre vous croyez être sous la moyenne quant à vos diverses qualités, une stratégie plus appropriée serait d’adopter des allures mystérieuses, des demi-vérités, voire ne pas diffuser d’information du tout.

Dans l’optique du polyamour le changement devient encore plus intéressant, car le choix n’a pas besoin d’être unique. Comme le choix ne se fait plus selon un dosage parfait de tous les critères souhaités par une personne, mais selon une attirance qui peut reposer sur un seul, ou une partie, de ces critères, les possibilités de connexions intéressantes sont multipliées par un facteur beaucoup plus élevé que le nombre de partenaires optimal recherché par chaque personne.

La transparence devient ainsi un outil de multiplication des rencontres car, plutôt que d’espérer le match parfait, vous préférerez multiplier les différentes qualités exprimées de façon à rejoindre le plus vaste éventail de partenaires possible.

Cette justification explique pourquoi on passe d’un modèle de rareté des relations à un modèle d’abondance, pourquoi la transparence absolue est une option payante, et pourquoi il est paradoxalement facile de rencontrer, même à l’intérieur de ce qui semble en apparence une communauté réduite.

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Des relations entre personnes exclusives et non-exclusives

Ce billet traitera des relations entre les personnes non-exclusives (polyamoureuses ou anarchistes relationnelles) et celles plus traditionnellement monogames. Je n’ai pas la prétention d’avoir l’autorité finale en la matière, alors je vous invite à voir ce billet comme une réflexion et surtout, une invitation à ajouter vos commentaires ci-bas afin d’amorcer une discussion plus soutenue.

(Précision: par « exclusivité » j’entends dans ce billet exclusivité romantique et/ou sexuelle. L’exclusivité amicale ou relationnelle ne fais je crois aucun sens pour la grande majorité de la population.)

On pourrait à prime abord se demander pourquoi deux personnes n’ayant pas la même vision de l’exclusivité voudraient être en relation. Mais il y a tout un éventail de réponses qui explique cet état de fait. Par exemple, dans une relation existante, un partenaire dans un couple plus « traditionnel » découvre qu’il n’est plus confortable avec l’exclusivité. Mais plus fréquemment, le bassin de personnes exclusives est tellement plus vaste qu’il est presque inévitable pour une personne non-exclusive de développer un lien d’attachement avec l’une d’entre elles un jour.

On pourrait aussi se demander pourquoi une personne exclusive voudrait être en relation avec quelqu’un qui ne le sera pas. Encore une fois, les réponses et les cas de figure sont très variées. Ce qu’il est important de comprendre, c’est que le succès de ces relations vont souvent dépendre de ce que les partenaires impliqués fassent la distinction entre deux éléments:

  1. Le désir d’une personne d’être exclusive
  2. Le désir d’une personne que son/sa partenaire soit exclusif(ve) également.

L’exclusivité romantique et sexuelle est une orientation et un choix tout à fait respectable. En soi, demander à quelqu’un de devenir polyamoureux ne fait pas vraiment de sens, surtout si la personne sent qu’elle n’a ni le désir, ni les capacités de s’investir émotionnellement dans plus qu’une relation.

Mais ceci dit, rien n’empêche une personne exclusive d’accepter et de comprendre que ses partenaires ne le soient pas. (On peut aussi imaginer le scénario contraire, soit une personne non-exclusive qui veut que ses partenaires lui soient tous et toutes exclusifs et exclusives, mais ceci soulève des préoccupations éthiques évidentes). Les circonstances de vie de cette personne feront qu’elle voudra être un partenaire privilégié ou pas, c’est selon.

Le premier exemple qui vient en tête est celle de la relation « primaire » ou « principale » (les termes ne font pas l’unanimité) où un des deux partenaires accepte que l’autre aille chercher ailleurs à combler certains besoins affectifs ou sexuels, avec la confiance qu’il restera le partenaire principal et que les deux continuent à s’investir ensemble dans leur principaux projets de vie. Ce type de relation peut être explicite dès le départ, ou peut être le résultat de l’évolution personnelle d’un des deux partenaires, ce qui nécessite évidemment une réévaluation de la relation en cours de route.  Voici deux exemples (qui sont loin de former une liste exhaustive on s’entend):

  • une personne qui désire explorer une sexualité ou des activités plus alternatives (kink ou BDSM) qui n’attirent pas son partenaire, ou encore vivre pleinement son orientation sexuelle/romantique (par exemple pour une personne bisexuelle et/ou biromantique) et qui le fait, de façon transparente, hors du couple.
  • Une personne asexuelle qui comprend le besoin de son ou sa partenaire et accepte qu’il ou elle puisse explorer ces derniers hors de leur relation.

On peut tout aussi bien imaginer une personne exclusive en tant que partenaire « secondaire » – ou faire partie d’une relation sans aucune distinction hiérarchique entre les partenaires, avec une personne solo-polyamoureuse, ou anarchiste relationnelle par exemple.

Deux cas de figure reviennent ainsi régulièrement :

  • Le « En attendant… » La personne exclusive souhaite éventuellement former un couple monogame, mais fréquente un partenaire poyamoureux ou anarchiste relationnel avec qui elle peut explorer et combler des besoins affectifs ou sexuels, en général avec la compréhension que cette relation évoluera vers un mode plus platonique si la première personne en vient à former un couple exclusif avec un autre partenaire dans le futur.
  • Le « Trop occupé… » La personne exclusive préfère investir une majorité de son temps et de son énergie dans d’autres projets professionnels ou personnels (carrière, famille, études, etc.) et n’a donc qu’une disponibilité limité pour un engagement de type romantique ou sexuel.

Il faut noter que ces éléments peuvent être fluides, chez chaque personne. C’est explicite dans le premier cas de figure, mais aussi très probable dans le second cas. Il est de la responsabilité des deux partenaires impliqués de communiquer leurs attentes face à la relation, leurs limites et leurs désirs, et de s’engager en acceptant et reconnaissant que ces situation puissent changer avec le temps. Les liens émotionnels seront bien réels de part et d’autres et les deux partenaires doivent faire preuve de compassion pour l’autre lorsque la relation se transforme. Ainsi un partenaire « en attendant » peut renoncer à l’exclusivité et désirer des liens romantiques forts avec plusieurs personnes – bien que plus probablement il ou elle trouvera plutôt un partenaire exclusif, tel qu’entendu dès le départ. La personne « trop occupée » pourrait éventuellement dégager plus de temps dans son horaire, mais ce temps ne sera pas nécessairement consacré à son partenaire actuel. Elle pourrait tout autant chercher un partenaire exclusif que chercher d’autres partenaires non-exclusifs.

Les attitudes et comportements qui facilitent ses relations pour tous les partenaires impliqués pourront faire l’objet d’un billet futur – je sollicite particulièrement votre feedback à cet effet, surtout pour les gens qui ont des relations de type hiérarchique. La confiance, le respect de soi et d’autrui, la compassion et la communication sont, comme pour toute relation, les piliers qui soutiendront les partenaires.

Il faut retenir que tous les choix de mode relationnels présentés ci-haut sont des choix valides et sains s’ils sont vécus de façon transparente entre les partenaires, avec leur consentement et avec la plus grande considération pour les besoins et l’intégrité de ces derniers. Une relation abusive, teintée de mépris, ou encore une relation où un(e) des partenaires est un peu contraint(e) d’adhérer à des comportements ou d’accepter ceux de l’autre, est malsaine qu’elle soit exclusive ou non.

 

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Pourquoi écrire

Mes conditions de vie, par chance, me permettent d’être out depuis quelques années quant à mon orientation relationnelle. Famille, amis, travail, enfants, connaissances: ce n’est pas un secret pour personne.

Cette ouverture et cette transparence me permettent de m’afficher comme anarchiste relationnel sur diverses tribunes, de diffuser de l’information sur le polyamour via les réseaux sociaux, et aussi de créer du contenu que j’espère pertinent via ce blogue.

Comme tout auteur j’imagine, je me demande pourquoi à quoi bon le faire? Et c’est souvent dans ce temps là qu’une connaissance, un ami, un ancien collègue, peu importe, décide de s’ouvrir à moi et de poser plus de questions sur le sujet, ce qu’ils n’auraient jamais osé faire autrement.

Dans ce temps-là. je réalise qu’au delà d’un contenu, je tente aussi de créer un espace: un espace de confiance. La peur, l’incertitude, l’inquiétude légitime qu’ont les gens de questionner les modes de vies traditionnels empêchent beaucoup, beaucoup d’entre eux d’aller même s’informer convenablement des autres options à leur disposition.

S’affranchir de la hiérarchie, c’est aussi ça: créer les conditions nécessaires à l’émergence de vraies communautés, dont la confiance. Je crois donc important de rappeler dans mon billet cette semaine que ces communautés commencent à être actives chez nous. Au Québec, on assiste depuis peu à l’émergence de plusieurs groupes de soutien virtuels, dont certains assez actifs. Les gens de Montréal ont accès à la très active page Polyamour Montréal de même qu’au site du centre communautaire pour les modes de vie alternatifs. Ce dernier a également une page Facebook consacrée au polyamour. Les gens de Québec pourront consulter de plus la page Polyamour Québec. Enfin, j’ai créé récemment une page dédiée à l’anarchie relationnelle.

Ces groupes se veulent tous très inclusifs. Pas besoin d’être de Montréal pour participer aux discussions sur Polyamour Montréal (mais ça vous fera un peu de voyagement pour les événements par contre!).

Enfin, dans le doute, il me fera plaisir de discuter avec vous, en personne ou virtuellement, et même via ce blogue si jamais vous avez des questions, des commentaires, des interrogations sur les modes relationnels. J’invite tous ceux qui sont déjà out à tendre la même perche à votre entourage. Vous seriez surpris de voir combien de personnes sont insatisfaites avec les modèles que la société propose. Permettez-leur enfin de voir autre chose.

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Rencontres et séduction

Un des multiples enjeux auquel font face les polyamoureux(ses) (bien que ça s’applique également aux gens plus monogames) est celui de la rencontre amoureuse: comment découvrir et se révéler aux autres sans faire les faire fuir une fois découverte notre orientation/préférence relationnelle?

J’argumenterais en premier lieu que de positionner l’enjeu ainsi est une erreur de conception à plusieurs point de vue. D’abord, puisqu’il tend à objectifier l’autre. Nous développons un intérêt envers quelqu’un, explorons, découvrons cette personne, prenons notre courage à deux mains puis révélons être polyamoureux. Si l’autre est foncièrement monogame, la réaction ne risque pas d’être positive. D’une part, vous venez également de lui faire perdre un temps considérable, mais d’autre part, vous venez de lui révéler votre tentative de manipulation émotionnelle: attacher votre objet à vous d’abord et espérer qu’il/elle ne se sauve pas ensuite.

Par expérience, je dirais plutôt que la transparence paie. Voici quelques années que je suis sorti du placard comme anarchiste relationnel et à vrai dire, je peux affirmer qu’il est plus facile de rencontrer en étant ouvert sur ses intentions. Un seul caveat: cette perspective est peut-être biaisée par la privilège masculin. Je reconnais qu’il existe encore un double standard qui fait que les femmes risquent d’être jugées plus sévèrement que les hommes sur leur orientation relationnelle.

Mais revenons à la transparence. J’ai parlé dans un billet précédent de l’importance du coming-out, de la communauté. Approfondissons un peu. On fait souvent des blagues à propos des adeptes du végétarisme ou de crossfit (« Comment sait-on que quelqu’un est vegan? Il va vous le dire dans les premières cinq minutes! ») mais n’empêche que ces blagues illustrent un mécanisme important: celui de l’identification à une communauté, de la revendication d’une identité. Toutes leurs communautés ont ainsi leurs codes et signaux qui permettent de reconnaître leurs membres. Ce n’est peut-être pas encore le cas pour la communauté polyamoureuse. L’essentiel d’ailleurs n’est pas tant dans les codes, que dans la communication de ce que vous êtes.

Le/la polyamoureux(se) qui assume son orientation envoie un même signal, qui sera perçu par tous les gens, monogames, polyamoureux, voire même polycurieux. C’est ce signal qui générera en retour de l’intérêt. Autrement dit, au lieu d’être dans une approche de séduction où vous allez activement vers l’autre, vous adoptez une approche qui permet à l’autre de tendre vers vous, dans l’acceptation de qui vous êtes, et souvent avec une bonne dose de curiosité. Viendra ensuite la phase de découverte. C’est une étape incontournable dans la mesure où l’immense majorité des gens sont exposés à un modèle monogame hétéronormatif. Autant vous que l’autre (ou les autres, dépendant de votre polycule et de ses interactions), devrez maintenir une attitude de compassion, d’ouverture et une communication constante lors de cet apprentissage. En passant, la transparence s’applique aussi (surtout!) à vos autres partenaires, le cas échéant. C’est parfois demandant émotionnellement, mais on ne peut simplement pas prendre pour acquis que l’autre fera tous les efforts pour s’adapter à votre train de vie (et si c’est votre position, vous devrez peut-être remettre en cause la nature de vos liens envers autrui, qui parait profondément narcissique). L’envers de la médaille, c’est qu’il est aussi possible que l’adaptation ne se fasse pas: que vos orientations relationnelles respectives ne soient pas compatibles. Vous ne pouvez pas forcer ça, malheureusement. Essayez alors de transformer la relation (vers un mode plus amical, par exemple) afin  que vous puissiez continuer à bénéficier de cette relation dans un cadre plus sain.

Heureusement, de plus en plus d’options permettent aux polyamoureux(ses) de se reconnaître entre eux et elles. Des sites de rencontres, comme OkCupid qui a fortement élargi ses fonctions d’identification d’orientation de genre, relationnelle, et sexuelle, et des sites de communautés comme FetLife (qui, sans être dédié aux polyamoureux, leur permet de s’afficher comme tel) permettent les rencontres dans le monde virtuel d’abord, réel ensuite. La plupart des grandes villes ont également leurs regroupement de polyamoureux(ses).

Mais surtout, comme chez les monogames, il faut du temps et de la patience pour dénicher un(e) partenaire avec le ou laquelle vous découvrirez une réelle complicité, un amour profond. C’est d’autant plus vrai si vous tenez à établir une relation fermée (i.e. triade ou quatuor fermée) où chaque partenaire doit alors être compatible avec tous les autres. Et comme chez les monogames, ce sont vos qualités intrinsèques qui séduisent, qui charment, qui attirent les autres à vous. Avant de blâmer vos échecs sur l’incompréhension de la société qui vous entoure, prenez le temps de faire une introspection honnête et impitoyable. Enfin, respectez les autres, mais respectez-vous également. Si le maintien d’une relation demande des décisions ou des gestes qui sont contraire à vos valeurs et/ou à vos orientations, il est préférable d’en discuter rapidement, et d’en sortir si aucun changement n’est possible.

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La transparence et la vulnérabilité

Suite au billet de la semaine dernière, plusieurs questions fort légitimes m’ont été posées, notamment quant à la douleur de la séparation, au deuil de la fin d’une relation, à ses conséquences et aux façons de le gérer lorsque l’on est polyamoureuse ou polyamoureux. Et si j’en parlerai plus en détail la semaine prochaine, je réalise en réfléchissant au sujet qu’il me faut d’abord couvrir un point essentiel, soit la présence d’un réseau de soutien prêt à nous aider en cas de besoin.

Mais pour cela, il faut d’abord assumer et revendiquer, sinon ouvertement, du moins en privé avec un nombre de personnes, que notre préférence relationnelle ne correspond pas aux normes établies. Et c’est là que ça devient un peu plus délicat.

Tout d’abord, il faut reconnaître que ce « coming-out » (car s’en est bien un) n’est pas aussi facile pour chaque personne. Le poids des institutions sociales, et des privilèges (liés au couple, au genre, etc.) joue grandement dans la balance, et le jugement suivra. Les mentalités changent lentement, mais le jugement est encore plus sévères pour les femmes que les hommes, par exemple. Par exemple, à titre personnel, il m’arrive rarement d’être jugé pour la façon dont je vis mes relations (et dont je les affiche) mais il m’est arrivé d’entendre parler de mes partenaires en termes très dérogatoires, généralement par des gens qui ne les avaient même pas rencontrées.

Un exemple banal: lors d’une pause au travail, un collègue vous parle de son weekend relaxant en amoureux avec sa copine. Un sujet acceptable, encouragé, même (tant qu’il reste dans les limites de la décence). Si vous parlez de votre weekend avec votre trio, trouple, vos différent(e)s conjoint(e)s  ou partenaires,  même en restant dans les mêmes limites de décence, la réception ne sera pas la même.

Les paroles reçues peuvent être blessantes, et elles le sont généralement plus par ignorance que par méchanceté (c’est le propre du préjugé). Néanmoins, il y a plusieurs raisons d’aller de l’avant avec la transparence. La première en est une qui apparaît à première vue contre-intuitive: ce qu’on cache nous rend vulnérable. Ce qui est affiché nous protège. Comme rien ne reste secret bien longtemps, il est préférable de choisir soi-même quand et comment révéler qui nous sommes, plutôt que d’attendre que les ragots et potins fassent leur oeuvre néfaste. De surcroît, il est plus facile de s’afficher face aux gens en étant conscient de ce qu’ils savent, en se préparant aux soubresauts occasionnels causés par des préjugés surannés, qu’en vivant dans l’incertain, l’inconnu, l’incertitude, le doute, voire la peur que ce qu’on l’on garde caché soit soudainement exposé au grand jour. Enfin, en étant capable de repérer les jugements de valeurs et de privilège, il est facile de confronter les gens en leur rappelant poliment que certains termes sont inacceptables et en leur montrant en quoi ils causent du tort.

Ceci dit, il ne faut pas être si dramatique: les préjugés contre les polyamoureux ne sont pas de la même virulence que ceux qui frappaient la communauté gaie.

Ce mot, d’ailleurs, « communauté » est l’autre grande raison d’aller de l’avant. Il se développe, un peu partout, des communautés de gens pour qui les vieilles normes relationnelles ne font plus de sens. Leurs participants ont tous des histoires à partager, des conseils, des leçons apprises, parfois par expérience, parfois de l’exemple d’autrui. En acceptant de vivre différemment (ou en acceptant l’idée que l’on puisse le faire librement), il devient possible de puiser dans ce bassin d’entraide et de soutien.

S’ouvrir à des gens de confiance dans son entourage ou rejoindre une communauté aux intérêts similaires sont de bons premiers pas. Mais pour effectuer un changement durable de mentalité, l’ouverture à tous est ultimement nécessaire. Le privilège de couple est communiqué inconsciemment partout autour de nous. En le contrant, en démontrant par l’exemple et les paroles comment ce mode de vie n’est pas et ne devrait pas être la seule référence sociale, il se créé petit à petit un espace inclusif pour tous.

Surtout, en en parlant ouvertement, vous risquez de rejoindre des gens qui n’auraient jamais autrement entendu parler d’autres possibilités, d’autres choix. Parfois, ils voudront en apprendre davantage, soit en vous parlant, soit en faisant leurs recherches de leur côté. Mais vous aurez fait à votre façon une différence importante dans leur vie.

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