Un des multiples enjeux auquel font face les polyamoureux(ses) (bien que ça s’applique également aux gens plus monogames) est celui de la rencontre amoureuse: comment découvrir et se révéler aux autres sans faire les faire fuir une fois découverte notre orientation/préférence relationnelle?
J’argumenterais en premier lieu que de positionner l’enjeu ainsi est une erreur de conception à plusieurs point de vue. D’abord, puisqu’il tend à objectifier l’autre. Nous développons un intérêt envers quelqu’un, explorons, découvrons cette personne, prenons notre courage à deux mains puis révélons être polyamoureux. Si l’autre est foncièrement monogame, la réaction ne risque pas d’être positive. D’une part, vous venez également de lui faire perdre un temps considérable, mais d’autre part, vous venez de lui révéler votre tentative de manipulation émotionnelle: attacher votre objet à vous d’abord et espérer qu’il/elle ne se sauve pas ensuite.
Par expérience, je dirais plutôt que la transparence paie. Voici quelques années que je suis sorti du placard comme anarchiste relationnel et à vrai dire, je peux affirmer qu’il est plus facile de rencontrer en étant ouvert sur ses intentions. Un seul caveat: cette perspective est peut-être biaisée par la privilège masculin. Je reconnais qu’il existe encore un double standard qui fait que les femmes risquent d’être jugées plus sévèrement que les hommes sur leur orientation relationnelle.
Mais revenons à la transparence. J’ai parlé dans un billet précédent de l’importance du coming-out, de la communauté. Approfondissons un peu. On fait souvent des blagues à propos des adeptes du végétarisme ou de crossfit (« Comment sait-on que quelqu’un est vegan? Il va vous le dire dans les premières cinq minutes! ») mais n’empêche que ces blagues illustrent un mécanisme important: celui de l’identification à une communauté, de la revendication d’une identité. Toutes leurs communautés ont ainsi leurs codes et signaux qui permettent de reconnaître leurs membres. Ce n’est peut-être pas encore le cas pour la communauté polyamoureuse. L’essentiel d’ailleurs n’est pas tant dans les codes, que dans la communication de ce que vous êtes.
Le/la polyamoureux(se) qui assume son orientation envoie un même signal, qui sera perçu par tous les gens, monogames, polyamoureux, voire même polycurieux. C’est ce signal qui générera en retour de l’intérêt. Autrement dit, au lieu d’être dans une approche de séduction où vous allez activement vers l’autre, vous adoptez une approche qui permet à l’autre de tendre vers vous, dans l’acceptation de qui vous êtes, et souvent avec une bonne dose de curiosité. Viendra ensuite la phase de découverte. C’est une étape incontournable dans la mesure où l’immense majorité des gens sont exposés à un modèle monogame hétéronormatif. Autant vous que l’autre (ou les autres, dépendant de votre polycule et de ses interactions), devrez maintenir une attitude de compassion, d’ouverture et une communication constante lors de cet apprentissage. En passant, la transparence s’applique aussi (surtout!) à vos autres partenaires, le cas échéant. C’est parfois demandant émotionnellement, mais on ne peut simplement pas prendre pour acquis que l’autre fera tous les efforts pour s’adapter à votre train de vie (et si c’est votre position, vous devrez peut-être remettre en cause la nature de vos liens envers autrui, qui parait profondément narcissique). L’envers de la médaille, c’est qu’il est aussi possible que l’adaptation ne se fasse pas: que vos orientations relationnelles respectives ne soient pas compatibles. Vous ne pouvez pas forcer ça, malheureusement. Essayez alors de transformer la relation (vers un mode plus amical, par exemple) afin que vous puissiez continuer à bénéficier de cette relation dans un cadre plus sain.
Heureusement, de plus en plus d’options permettent aux polyamoureux(ses) de se reconnaître entre eux et elles. Des sites de rencontres, comme OkCupid qui a fortement élargi ses fonctions d’identification d’orientation de genre, relationnelle, et sexuelle, et des sites de communautés comme FetLife (qui, sans être dédié aux polyamoureux, leur permet de s’afficher comme tel) permettent les rencontres dans le monde virtuel d’abord, réel ensuite. La plupart des grandes villes ont également leurs regroupement de polyamoureux(ses).
Mais surtout, comme chez les monogames, il faut du temps et de la patience pour dénicher un(e) partenaire avec le ou laquelle vous découvrirez une réelle complicité, un amour profond. C’est d’autant plus vrai si vous tenez à établir une relation fermée (i.e. triade ou quatuor fermée) où chaque partenaire doit alors être compatible avec tous les autres. Et comme chez les monogames, ce sont vos qualités intrinsèques qui séduisent, qui charment, qui attirent les autres à vous. Avant de blâmer vos échecs sur l’incompréhension de la société qui vous entoure, prenez le temps de faire une introspection honnête et impitoyable. Enfin, respectez les autres, mais respectez-vous également. Si le maintien d’une relation demande des décisions ou des gestes qui sont contraire à vos valeurs et/ou à vos orientations, il est préférable d’en discuter rapidement, et d’en sortir si aucun changement n’est possible.