Le mythe de la relation parfaite

Admettez-le, on a tous entendu ces petites phrases en tentant de supprimer un haut-le-coeur: « je ne cherche pas la personne parfaite, je cherche la personne parfaite pour moi », « je suis parfaitement imparfaite », et autres variations sur le même thème. Au son de ces clichés éculés, nous devrions nous pâmer d’émotion devant tant de romantisme. En réalité, ces expressions véhiculent et renforcent deux conceptions erronées des individus et des relations. Aussi bien défaire cela dès maintenant:

  1. Il y a un idéal individuel vers lequel il faut tendre.
  2. Il y a un idéal relationnel vers lequel il faut tendre

La première conception est ancrée dans la philosophie et la psyché occidentale depuis des siècles, ce qui ne la rend pas moins pernicieuse. Estimer qu’il y a un idéal individuel à émuler revient à penser que tous les gens, peu importent leurs circonstances de vie, leurs caractéristiques physiologiques et psychologiques, leur environnement, ont les capacités, le désir, le besoin  et les chances  d’atteindre cet idéal.

Ce faisant, on met l’emphase sur tout ce que la personne n’est pas, tout ce qu’elle n’atteint pas, plutôt que de se concentrer sur ses qualités, ses réalisations. On refuse aussi de prendre en compte le privilège sur lequel est généralement construit cet idéal (homme blanc, cisgenre et neurotypique, de classe moyenne ou aisée, etc.).  La vie peut avoir tendu son lot d’embûches empêchant quelqu’un d’étudier, de se développer normalement, d’être à l’aise socialement, ou de s’accomplir professionnellement. De loin, de l’extérieur, il est aisé de simplement juger en jetant pêle-mêle tout le monde dans la catégorie « loser ». Ce jugement nous empêche de discerner leurs réelles qualités, de percevoir la souffrance contre laquelle ils ou elles peuvent se défendre, souvent maladroitement, et de faire appel à notre compassion afin de guider nos interactions.

Il en est de même de la seconde conception. Les relations, particulièrement les relations amoureuses, sont idéalisées à l’extrême. L’industrie du divertissement en fait ses choux gras. Mais à trop chercher la relation « parfaite », celle qui répondra en tout point à nos désirs, y compris les désirs qui nous ont été appris par acculturation, par conformisme, on se met à négliger le potentiel de toutes ces relations « imparfaites ». On se retrouve dans un état de profond déséquilibre, oscillant entre un état de manque permanent (« je n’ai pas trouvé le bon ou la bonne ») et un état de contentement risqué – car comme vous le dira n’importe quel investisseur, ce n’est pas la stratégie la plus avantageuse que de mettre tous ses oeufs dans le même panier!

En réalité, chaque relation, si « imparfaite » soit-elle selon les modèles standards, a le potentiel d’enrichir ceux qui la vivent de diverses façon, tout comme elle peut également leur nuire, ne le cachons pas. L’anarchie relationnelle devient alors (entre autre) une façon de célébrer les éléments positifs qui unissent les partenaires en relation, de se concentrer sur ces derniers, tout en permettant aux personnes concernées de vivre simultanément d’autres relations leur permettant de combler diversement le reste de leurs désirs et besoins.

Diffusez-moi!

Mais où est cet homme (cette femme) parfait(e)?

Vous l’avez tous déjà lu/vu/entendu:

« Où est-il, cet homme fidèle, charmant, sensible, intelligent, avec un emploi stable, ne vivant plus chez ses parents, honnête, avec une bonne libido? »

« Où est-elle, cette femme douce, allumée, juste assez perverse mais pas trop pour pas m’intimider, brillante, simple, disponible et prête à s’engager? »

Je veux pas vous faire de peine, mais je crois qu’il faut remettre les pendules à l’heure:

Nous sommes partout. Partout autour de vous.

Vous ne nous trouverez pas car vous avez oublié un détail important: l’offre et la demande. Et l’homme qui remplit tous ces critères, la femme qui remplit tous ses critères, surtout si il ou elle est intelligent(e) et brillant(e), maîtrise cette primordiale vérité.

Pourquoi bordel se contenter d’une seule personne quand manifestement nos qualités plaisent à plusieurs?

Pourquoi se limiter ainsi? Une personne si extraordinaire justement peut se permettre de choisir des partenaires qui n’essaieront pas de l’enchaîner, de le/la ralentir, voir de ruiner sa carrière (particulièrement vrai dans le cas des femmes).

Cette personne est libre. Libre de concevoir ses relations comme elle l’entend, avec qui elle l’entend. Libre du carcan de l’exclusivité.

Ça vous laisse quoi? Des restants. De la scrap. Et des relations en série aussi pitoyables les unes que les autres. Vous n’avez pas compris qu’au lieu de tout chercher chez une seule personne, cette personne quasi-divine, mythique, inexistante, vous pourriez  être plus heureux à découvrir une à une ces qualités et bien d’autres à l’intérieur d’un éventail de partenaires.

Arrêtez de vous plaindre. Sortez du moule.

Diffusez-moi!